L'exécutif se veut inflexible face à la grogne sociale

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(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS-NEW DELHI (Reuters) - Le porte-parole du gouvernement a écarté dimanche tout geste ponctuel en faveur des retraités pénalisés par la hausse de la CSG alors qu'Emmanuel Macron réaffirmait depuis New Delhi sa détermination à continuer à "réformer en profondeur", mais "avec bienveillance".

Invité du "Grand Rendez-vous" Europe 1-Les Echos-CNEWS, Benjamin Griveaux a également voulu couper court au débat qui renaît dans la majorité sur une redistribution de la "bonne fortune fiscale de la France" en soulignant que la priorité était à l'assainissement des comptes publics malgré l'amélioration de la conjoncture.

Les retraités, qui avaient déjà défilé en septembre dernier, sont appelés à manifester jeudi pour dénoncer la dégradation de leur niveau de vie à la suite de l'augmentation de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) pour financer la baisse des cotisations des salariés du privé.

Les "seniors", qui ont massivement voté pour Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle (74%), ont découvert pour beaucoup avec désenchantement les répercussions de la hausse de la CSG sur les premières pensions de 2018, versées début février.

Le gouvernement avait annoncé que seuls les retraités percevant plus de 1.200 euros bruts mensuels seraient concernés mais l'équation est plus complexe, puisque le revenu fiscal de référence et le quotient familial du foyer sont pris en compte.

Les retraites subissent en outre les effets de la taxe de 0,3% sur leur pension au titre de la CASA (Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie), de la suppression de la demi-part fiscale pour les parents isolés et du gel de la revalorisation des pensions.

"QUELQUES DIZAINES, QUELQUES CENTAINES D'EUROS"

"Je rappelle à tous les retraités de ce pays que 40% d'entre eux ne sont pas concernés par l'augmentation de la CSG. Que pour les 60% restants, il y a en effectivement 20-25% qui auront - si on fait le solde entre la suppression de la taxe d'habitation et l'augmentation de la CSG - quelques dizaines, ou quelques centaines, pour ceux qui ont les retraites les plus importantes, d'euros par an à débourser", a dit Benjamin Griveaux.

Alors qu'on lui demandait si l'exécutif était prêt à consentir "un geste", le porte-parole du gouvernement a mis en avant l'exonération de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables d'ici 2020 avec une première baisse de 30% en octobre, puis de 65% en 2019 jusqu'à la suppression en 2020.

"La suppression de la taxe d'habitation, c'est un geste pour les retraités", a-t-il souligné. "Lorsqu'elle atteint 700-800 euros, au mois d'octobre ce sera 250 à 300 euros de moins."

Benjamin Griveaux a estimé que la revalorisation du crédit d'impôt pour les emplois à domicile constituait une autre mesure compensatoire.

Le porte-parole a opposé aussi sa fermeté aux députés de La République en Marche, dont Joël Giraud, rapporteur de la commission des Finances de l'Assemblée, qui réclament une distribution de la "cagnotte" fiscale aux secteurs et populations délaissés à leurs yeux par le nouvel exécutif.

Le déficit du budget de l'Etat s'est réduit de 1,3 milliard d'euros en 2017 par rapport à 2016 pour atteindre 67,8 milliards d'euros, son niveau le plus bas depuis 2008. Les seules recettes fiscales nettes ont atteint 295,6 milliards d'euros, en hausse de 11,5 milliards d'euros par rapport à 2016.

"ÇA N'EST PAS UNE CAGNOTTE"

Dans un entretien aux Echos, Joël Giraud suggère de consacrer 80% de cette "bonne fortune" au désendettement et 20% à des "mesures d'urgence" en faveur notamment des Ehpad (maisons de retraite médicalisées), des "territoires fragilisés par la désindustrialisation" ou des bénéficiaires de minima sociaux.

Les personnels des Ehpad et des services d'aide à domicile se mobiliseront également jeudi pour protester contre l'insuffisance de leurs moyens.

"Ça n'est pas une cagnotte", a répliqué Benjamin Griveaux, rappelant que la France "a accumulé quasiment 100% de la richesse nationale en dette".

"Notre objectif, c'est de faire en sorte que (...) pour la génération d'après, la dette soit moins importante, pas par fétichisme des 3% imposés par Bruxelles", a-t-il dit en écho au Premier ministre Edouard Philippe et au ministre de l'Economie Bruno Le Maire.

En visite en Inde, Emmanuel Macron a profité d'une rencontre avec la communauté française pour défendre sa méthode, jugée "brutale" par les syndicats.

"Nous allons continuer à réformer en profondeur, avec bienveillance mais avec la certitude que notre pays a besoin de ces transformations pour rattraper un retard qu'il a accumulé depuis des décennies et qui était inexplicable", a-t-il dit.

"Ça ne s'arrêtera ni demain, ni le mois prochain ni dans les trois mois", a-t-il lancé.

(Sophie Louet à Paris avec bureau de New Delhi)