Etats-Unis : Le secrétaire d'Etat Tillerson limogé, remplacé par Pompeo

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(Crédits : Jonathan Ernst)

par Steve Holland et Roberta Rampton

WASHINGTON (Reuters) - Après des mois de tension entre les deux hommes, Donald Trump a limogé mardi son secrétaire d'Etat Rex Tillerson, qu'il a remplacé par un fidèle à la réputation de "faucon", le directeur de la CIA Mike Pompeo.

Ce remaniement, le plus spectaculaire depuis l'arrivée au pouvoir du président républicain en janvier 2017, a été annoncé par le chef de la Maison blanche lui-même sur Twitter.

"Mike Pompeo, directeur de la CIA, devient notre nouveau secrétaire d'Etat. Il va faire un boulot fantastique ! Merci à Rex Tillerson pour sa contribution. Gina Haspel devient la nouvelle directrice de la CIA, et la première femme à ce poste. Félicitations à tous !" a écrit le président américain.

Gina Haspel était directrice adjointe de la CIA depuis février 2017. Sa nomination avait été contestée par les démocrates en raison de son implication dans le système des "prisons secrètes" mises en place par la CIA.

Le Sénat entendra Mike Pompeo et Gina Haspel le mois prochain pour des auditions de confirmation.

Rex Tillerson, ex-PDG de la compagnie pétrolière Exxon Mobil, avait pris la tête de la diplomatie américaine à l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche.

Son départ n'est pas une surprise en raison des désaccords entre les deux hommes, qui ont culminé à l'automne dernier après des révélations de la chaîne NBC selon laquelle Rex Tillerson aurait qualifié Donald Trump de "crétin" pendant une réunion au département d'Etat en présence de membres de l'administration présidentielle.

"ON ÉTAIT EN DÉSACCORD SUR CERTAINES CHOSES"

"On en parlait depuis longtemps", a commenté Donald Trump sur la pelouse de la Maison blanche. "On s'entendait plutôt bien mais on était en désaccord sur certaines choses", a-t-il déclaré en citant en exemple l'accord sur le nucléaire iranien.

"Quand on pense à l'accord iranien, je pense qu'il est très mauvais, et je crois qu'il pense qu'il est correct. Je voulais le casser ou faire quelque chose et il n'était pas tout à fait du même avis", a reconnu Donald Trump.

Mike Pompeo, favorable comme Donald Trump à une dénonciation de l'accord conclu avec Téhéran en 2015 (voir), a "la même façon de penser (que moi)", a ajouté le président américain.

Un responsable de l'administration a indiqué que Donald Trump avait demandé à Rex Tillerson de démissionner dès vendredi mais qu'il n'avait pas voulu officialiser la nouvelle avant le retour de son secrétaire d'Etat d'une tournée en Afrique.

Des responsables du département d'Etat ont dit ne pas savoir ce qui avait motivé le limogeage de Rex Tillerson.

Steve Goldstein, sous-secrétaire d'Etat chargé des affaires publiques, a dit ignorer pourquoi Tillerson avait été remercié alors qu'il avait l'intention de rester à son poste. Il a été à son tour limogé.

Trump voulait mettre en place "une nouvelle équipe avant les discussions avec la Corée du Nord et pour les négociations commerciales en cours", a-t-on précisé à la Maison blanche.

Un possible sommet sera organisé en mai entre Donald Trump et le numéro un nord-coréen Kim Jong-un. Le président américain a par ailleurs imposé des taxes sur l'acier et l'aluminium dans le but d'obtenir des termes plus favorables aux Etats-Unis dans les échanges commerciaux.

L'hypothèse de la mise à l'écart de Rex Tillerson et de son remplacement par Pompeo avait été évoquée dès novembre dernier par le New York Times. Elle avait à l'époque été démentie par la Maison blanche et Donald Trump avait qualifié l'information de "fake news".

Un mois plus tôt, l'ambassadrice des Etats-Unis à l'Onu, Nikki Haley, avait dû démentir publiquement être intéressée par le poste de secrétaire d'Etat.

LE DÉPARTEMENT D'ETAT FRAGILISÉ

Les relations entre Trump et son désormais ex-chef de la diplomatie n'ont jamais été au beau fixe.

Les deux hommes ont maintes fois affiché leurs divergences, sur la Corée du Nord comme sur l'Iran ou le Qatar et pas plus tard que lundi sur la Russie, Rex Tillerson ayant mis en cause Moscou après l'empoisonnement d'un ex-agent double russe en Grande-Bretagne tandis que la porte-parole de la Maison blanche, Sarah Sanders, restait plus prudente en la matière.

Le départ de Rex Tillerson n'en constitue pas moins le remaniement le plus important, à ce jour, d'une administration Trump peu avare en la matière.

S'il est confirmé en avril par le Sénat, Mike Pompeo prendra les rênes d'un département d'Etat ébranlé par les départs de nombreux hauts diplomates et des perspectives de coupes budgétaires.

De nombreux démocrates au Congrès ainsi que des experts en politique étrangère, qu'ils soient démocrates ou républicains, ont exprimé leur inquiétude à l'annonce du départ de Tillerson, estimant que ce limogeage allait aggraver l'instabilité de l'administration à un moment crucial.

Evans Revere, un diplomate chargé du dossier nord-coréen sous l'administration de George W. Bush, a déclaré que la décision de Donald Trump envoyait un "mauvais signal sur le rôle de la diplomatie".

"Le remplacement de Tillerson par (...) Pompeo, qui est connu comme partisan politique et opposant à l'accord sur l'Iran, augmente la possibilité d'un effondrement de l'accord et la possibilité que l'administration affronte bientôt non pas une, mais deux crises nucléaires", a-t-il ajouté.

Rex Tillerson avait subi une audition de confirmation mouvementée devant le Sénat l'an dernier, en raison des liens d'Exxon Mobil avec la Russie.

Mais avec le temps, l'opposition démocrate avait plutôt apprécié le personnage, estimant qu'il jouait un rôle stabilisateur au sein d'une administration chaotique.

(Avec Susan Heavey, Jeff Mason et Paul Simao; Tangi Salaün et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)