Vladimir Poutine devant les électeurs sans programme économique

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Vladimir poutine devant les electeurs sans programme economique[reuters.com]
(Crédits : Sputnik Photo Agency)

par Jack Stubbs, Darya Korsunskaya et Polina Nikolskaya

MOSCOU (Reuters) - Le président russe Vladimir Poutine, assuré d'être réélu dimanche au terme d'un scrutin présenté comme joué d'avance, se présente devant les électeurs sans programme économique sur fond de désaccord dans son entourage sur les réformes à mener.

L'économie russe a redémarré l'an dernier avec une croissance de 1,5% grâce au rebond des cours du pétrole, après deux ans de récession due aux sanctions imposées par les pays occidentaux après l'annexion de la Crimée ukrainienne en mars 2014. Et l'inflation, qui avait atteint 17% en 2015, a été progressivement ramenée à 2% par la banque centrale.

De nombreux Russes se sentent néanmoins aujourd'hui plus pauvres que dans les années du boom économique et pétrolier, avant la crise financière de 2008 et les sanctions liées à la Crimée. En 2007, au plus haut jamais atteint sous Vladimir Poutine, la croissance du produit intérieur brut (PIB) avait été de 8,5%.

Le taux de chômage est passé au-dessus de la barre des 5% au second semestre 2017 et le salaire mensuel moyen des actifs, qui représentait l'équivalent de 700 euros en 2013, est tombé à 450 euros l'an dernier.

Mais, sans opposition - aucun des sept candidats qui se présentent contre lui ne peut être considéré comme un véritable adversaire - Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 18 ans en tant que président ou Premier ministre, n'est pas véritablement incité à présenter un programme concret.

Et pourtant ses électeurs souhaitent des changements

"Nous en sommes au stade où les gens sont conscients de la détérioration de leur niveau de vie, ou que les perspectives d'amélioration ne sont pas géniales", commente Chris Weafer, de la société de conseil Macro Advisory.

"Ils veulent, ou en sont venus à exiger, que le gouvernement fasse quelque chose. Le gouvernement entend, mais personne ne sait que faire", ajoute le consultant.

N'A PAS DIT COMMENT FAIRE

Dans son discours annuel au pays au début du mois, Vladimir Poutine a déclaré que la Russie devait augmenter de moitié le PIB par habitant d'ici la mi-2020. Mais il n'a pas dit comment faire. Ni ses ministres non plus. Plus axé sur la politique étrangère qui lui vaut le soutien du public, il a préféré se concentrer sur la présentation de nouvelles armes nucléaires.

Selon six responsables du gouvernement interrogés par Reuters, ceux qui détiennent le pouvoir de décision politique, et notamment le ministre de l'Economie, Maxime Orechkine et le conseiller économique du Kremlin, Andreï Beloussov, ne sont pas d'accord sur les mesures à prendre pour parvenir à une croissance plus forte.

Certains responsables sont favorables à une hausse progressive de l'âge de la retraite, à une augmentation de la TVA et de l'impôt sur le revenu, mais d'autres y sont opposés, indique-t-on dans l'entourage du gouvernement.

Les économistes préconisent une poursuite des privatisations des entreprises publiques, un hausse significative de l'âge du départ à la retraite, et la réforme du système judiciaire. Mais, au Kremlin, le camp des partisans de la sécurité et des intérêts financiers de l'Etat souhaite un maintien de la mainmise de l'Etat sur les entreprises.

Dans son dernier rapport sur l'économie russe, la Banque mondiale préconise des réformes structurelles "approfondies" et "plus rapides" pour améliorer la productivité et relancer la croissance. L'institution onusienne prône aussi une "concurrence loyale".

Certaines annonces n'ont pas été suivies d'effet.

Ainsi, au lieu de privatiser le pétrolier Bachneft comme il l'avait annoncé, le gouvernement l'a finalement vendu au géant public de l'énergie Rosneft dont le patron, Igor Setchine, fait partie du cercle rapproché du président Poutine.

"Ce qui veut dire que notre économie a tendance à se concentrer encore plus autour d'un petit nombre de sociétés", commente Sergueï Beliakov, ancien vice-ministre de l'Économie qui dirige l'association des caisses de retraite privées.

(Avec Andrey Ostroukh, Lena Fabritchnaïa, Katia Goloubkova et Denis Pintchouk; Danielle Rouquié pour le service français)