Opération déminage autour de Nicolas Hulot

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Operation de deminage autour de nicolas hulot[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - L'exécutif s'est voulu rassurant jeudi sur les intentions du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, qui a relancé les spéculations sur son avenir au sein du gouvernement en évoquant un bilan sous forme de "moment de vérité" à l'été.

Nicolas Hulot "a parfaitement sa place, il a une parole qui est forte, il est un très bon connaisseur de ses dossiers, je le soutiens depuis le début, je le soutiens et je le soutiendrai toujours", a déclaré jeudi soir le Premier ministre, Edouard Philippe, sur France 3. A la question de savoir si son ministre était "ingérable", il a répondu : "En aucune façon".

Revendiquant son "impatience" et des "éruptions de colère", Nicolas Hulot a exprimé depuis sa nomination sa contrariété à plusieurs reprises, notamment lors de la clôture des états généraux de l'alimentation.

L'ancien animateur de télévision a par ailleurs été présenté comme le perdant dans les arbitrages sur l'énergie, l'exécutif ayant renoncé à l'ambition de ramener à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité en 2025 au plus tard.

Mercredi, il a annoncé qu'il ferait cet été un bilan de son action au gouvernement, prélude à un "moment de vérité" avec le" chef de l'Etat, Emmanuel Macron.

Mais Nicolas Hulot a déclaré jeudi soir, en marge d'un "échange citoyen" aux Arcs-sur-Argens (Var), que son éventuelle démission durant l'été était "un non sujet" - "Je n'ai pas dit ça", a-t-il déclaré à des journalistes.

"Je n'ai pas d'état d'âme. Je m'interroge, j'ai des doutes comme tout le monde", a-t-il expliqué. "Le pire, ce sont les gens bardés de certitudes qui sont contents d'eux, qui sont satisfaits de ce qu'ils font. Ce n'est pas l'idée que je me fais de la responsabilité qui est la nôtre."

Pour son secrétaire d'Etat, Sébastien Lecornu, ce n'est pas "un homme politique comme les autres" mais un homme "singulier", un "iconoclaste" qui mérite d'avoir le temps de la réflexion.

"C'est une dimension extraordinairement personnelle que de s'engager", a-t-il dit sur RTL. "Quand vous avez toujours refusé de rentrer au gouvernement, (...) qu'aujourd'hui au bout d'un an, il dise 'j'ai besoin d'un peu de temps pour savoir ce que je veux en faire' ne me choque pas."

"MON BOULOT, C'EST DE CONVAINCRE"

Pour Sébastien Lecornu, aucun "cynisme" ou "calcul politique" n'anime Nicolas Hulot, qui dit seulement "qu'il y a une urgence pour la planète et qu'il faut sûrement faire encore plus, tout le monde ne peut être que d'accord avec ça".

Dans le Var, le ministre de la Transition écologique n'en a pas moins défendu un an d'action de l'exécutif.

"Ce n'était pas forcément inscrit dans mon patrimoine génétique de me retrouver dans la fonction qui est la mienne", a-t-il dit en ouvrant les échanges avec 300 personnes venues l'écouter aux Arcs-sur-Argens.

Une trentaine de cheminots opposés à la réforme de la SNCF l'ont bruyamment accueilli.

"Le train, il faut miser dessus mais je ne vois pas de perspective pour une entreprise qui perd trois milliards d'euros par an", a-t-il dit. "Force est de constater que ce magnifique service public se dégrade de jour en jour."

Nicolas Hulot a aussi répondu "sans hystérie" aux agriculteurs, autre secteur où la grogne règne : "Jamais les planètes n'ont été aussi bien alignées pour sortir l'agriculture des difficultés qu'elle connaît", a-t-il déclaré.

"Je ne m'accommode pas d'une agriculture qui va de crise en crise. On n'obtient pas tout, tout de suite mais on a déjà fait un premier pas", a-t-il ajouté.

Cette déclaration n'a cependant guère convaincu de jeunes agriculteurs, qui ont dit avoir l'impression que le gouvernement défendait davantage la biodiversité que l'agriculture.

"J'aimerais bien que la fiscalité écologique puisse aider les collectivités, cela fait partie de mes réflexions", a aussi glissé Nicolas Hulot en réponse à un élu local, qui réclamait le soutien financier du gouvernement.

Seul face à la salle, il s'est montré à son aise, réaffirmant que les "enjeux écologiques ne sont pas optionnels", condamnant la "plaie de l'artificialisation des sols" ou évoquant une "sanctuarisation" des terres agricoles.

"Mon boulot, c'est de convaincre", a-t-il assuré, tout en admettant qu'un "ministre ne sait pas tout".

Un homme d'une cinquantaine d'années, partisan de la première heure d'En Marche, le mouvement d'Emmanuel Macron, a estimé que Nicolas Hulot était "le totem du gouvernement" : "S'il part cela fera du bruit."

(Caroline Pailliez, avec Marine Pennetier et Jean-François Rosnoblet à Marseille, édité par Emmanuel Jarry et Myriam Rivet)