Business France : Muriel Pénicaud entendue comme témoin assisté

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Business france: muriel penicaud entendue comme temoin assiste[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

PARIS (Reuters) - La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a été entendue mardi pendant près de cinq heures au pôle financier du tribunal de Paris en tant que témoin assisté dans le cadre de l'affaire Business France (BF).

La justice enquête sur les conditions dans lesquelles cet établissement public chargé de promouvoir la France auprès des investisseurs étrangers, alors dirigé par Muriel Pénicaud, a confié au publicitaire Havas l'organisation d'une coûteuse soirée autour d'Emmanuel Macron en janvier 2016 à Las Vegas.

Le président, alors ministre de l'Economie, avait été l'invité vedette de cet événement de promotion de la "French Tech" sur laquelle le parquet de Paris a ouvert en juillet une information judiciaire pour favoritisme et recel de favoritisme.

Arrivée au pôle financier vers 9h30, "Muriel Pénicaud a été entendu comme témoin assisté jusqu'à 14h15", a déclaré à Reuters son avocat, Me Fabrice Dubest.

"L'audition s'est très bien passé et (Muriel Pénicaud) a fourni aux juges tous les éléments d'éclairage utiles", a-t-il ajouté.

Le statut de témoin assisté évite à la ministre du Travail une mise en examen synonyme de départ du gouvernement.

Les juges chargés du dossier, Renaud Van Ruymbeke, Dominique Blanc et Charlotte Bilger, avaient déjà entendu en septembre 2017 une ex-collaboratrice de Muriel Pénicaud, Fabienne Bothy-Chesneau, ancienne directrice de la communication de BF.

Muriel Pénicaud et Havas, filiale de Vivendi, se défendent de toute irrégularité, un accord cadre conclu avec BF en juin 2015 permettant au publicitaire d'organiser ce type d'événement sans nouvelle mise en concurrence.

Havas précise que ce marché pour une campagne intitulée "Créative France" lui a été attribué le 2 juin 2015 après un appel d'offres publié au Journal officiel de l'Union européenne.

ÉCHANGES DE MAILS

Le publicitaire facturera ainsi à BF 6,666 millions d'euros hors taxe sur 18 mois, dont 315.000 euros pour la soirée French Tech de Las Vegas. Somme qui sera ramenée à 289.000 euros et que BF ne règlera finalement qu'en mars 2017, après deux rapports commandés par Muriel Pénicaud à Ernst&Young.

Les premiers échanges entre Havas et BF sur la mise en oeuvre de cet accord débutent dès le 3 juin 2015, sans attendre sa signature effective et la fin des 11 jours pendant lesquels les concurrents évincés pouvaient en contester l'attribution.

Dans un mail adressé le 3 juin et que Reuters a pu consulter, Muriel Pénicaud demande ainsi au vice-président d'Havas Stéphane Fouks de lui téléphoner le soir même.

Ils se rencontreront le 9 juin. Un rendez-vous que la patronne de BF a demandé à ses collaborateurs de l'époque de tenir secret, selon un autre email, révélé récemment par le Canard enchaîné.

Selon un email envoyé le 4 juin à Stéphane Fouks par le directeur général de Havas Fabrice Conrad, que Reuters a aussi pu consulter, "elle veut rester discrète jusqu'à la fin de la période de contestation, et ce d'autant qu'elle n'a pas informé les ministres de son choix à ce stade".

Du côté de Havas, on invoque un "calendrier très serré" pour expliquer cette volonté d'aller vite, tout en faisant valoir que la procédure de mise en concurrence était terminée, dès lors que l'attribution du marché avait été notifiée.

Ce "début d'exécution du marché par anticipation" est sans conséquence sur la validité du contrat entre Havas et BF, assure-t-on de source proche du publicitaire.

(Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)