"Embrouillamini" du gouvernement sur le glyphosate

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(Crédits : Christian Hartmann)

par Simon Carraud

PARIS (Reuters) - Le gouvernement français fait entendre des approches dissonantes sur l'interdiction du glyphosate, l'un des multiples points au programme des débats organisés à partir de mardi à l'Assemblée, au risque de créer un "embrouillamini" selon la FNSEA.

Le bannissement de cet herbicide aux effets controversés sur la santé ne figure pas à ce stade dans le projet de loi sur l'agriculture et l'alimentation mais un député de la majorité a mis le sujet à l'ordre du jour par le biais d'un amendement.

Cette proposition, portée par Matthieu Orphelin, prévoit d'inscrire dans le marbre l'engagement d'Emmanuel Macron consistant à proscrire le glyphosate sous trois ans.

L'amendement de ce proche de Nicolas Hulot laisse la porte ouverte à des dérogations pour, selon la formulation retenue, "tenir compte de l'absence éventuelle d'alternatives pour certains usages ou conditions particulières".

La position française, définie par le chef de l'Etat, est plus ambitieuse que celle de l'Union européenne, qui a renouvelé au mois de novembre l'autorisation du glyphosate pour cinq ans.

Au ministère de l'Agriculture, on se refuse pour l'heure à se prononcer pour ou contre l'amendement de Matthieu Orphelin, tout en insistant sur une autre promesse d'Emmanuel Macron, celle "d'éviter les sutranspositions" de normes européennes.

"Le débat aura lieu au Parlement", a déclaré le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, dans une interview au Journal du dimanche, sans donner clairement son opinion.

Lors des débats en commission, le gouvernement avait donné un avis défavorable à un amendement - finalement rejeté - qui prévoyait une interdiction sèche à compter du 1er juillet 2021, sans dérogation.

Pour le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Jean-Baptiste Moreau (la République en marche), "il n'y aucune ambiguïté : il n'y aura rien dans cette loi à ce sujet".

"L'engagement présidentiel sera tenu, il n'est juste pas nécessaire de l'afficher dans la loi", a-t-il justifié devant la presse.

"IL FAUT ÊTRE COHÉRENT"

Le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, plaide de côté pour que l'interdiction du glyphosate soit bien inscrite dans la loi car, a-t-il dit vendredi sur BFM TV, "si on ne se fixe pas ces points d'étape, je sais très, très bien qu'il ne se passera rien".

"Il faut être cohérent", a argué le ministre, qui promet de faire au cours de l'été un bilan de son action au gouvernement, prélude à une décision sur son avenir.

L'ex-animateur de télévision ne fait pas mystère de ses divergences ponctuelles avec Stéphane Travert - parfois "ça frotte un peu" a-t-il admis en janvier.

"On aura dans le débat parlementaire des échanges nécessaires avec le ministre de l'Agriculture car l'amendement est rédigé de façon très prudente", selon Matthieu Orphelin, contacté par Reuters. "Cette traduction d'un engagement présidentiel fort a sa place dans cette grande loi."

Le glyphosate, principe actif du Roundup de Monsanto, est soupçonné de favoriser l'apparition de cancers mais les différentes agences européennes et internationales ne s'accordent pas sur le sujet.

La FNSEA, premier syndicat agricole, qualifie d'"embrouillamini" les déclarations successives du gouvernement, et particulièrement celles de Stéphane Travert dans le JDD.

"Sur le glyphosate, on veut des choses claires", a dit mardi la présidente du syndicat, Christiane Lambert, lors d'une rencontre avec des journalistes. "L'Europe a dit cinq ans, c'est cinq ans."

Une analyse partagée par le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob : "Aucune norme nationale ne doit être plus contraignante que la norme européenne", juge-t-il.

Globalement, le projet de loi "pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable" poursuit des objectifs a priori consensuels, à commencer par la garantie d'une meilleure rémunération des agriculteurs.

Mais il contient de nombreuses mesures hétéroclites faisant l'objet d'âpres débats, sur le bien-être animal, les menus dans les cantines ou l'usage des produits phytosanitaires.

(Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)