Les cheminots massivement opposés à la réforme, selon les syndicats

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(Crédits : Benoit Tessier)

PARIS (Reuters) - Les cheminots s'opposent à 94,97% à la réforme de la SNCF préparée par le gouvernement, selon les résultats de la consultation syndicale à laquelle le gouvernement et la direction dénient toute légitimité.

Les quatre forces représentatives - CGT, Unsa, Sud et CFDT - brandissent ce résultat comme la preuve que l'écrasante majorité des cheminots reste hostile au projet de loi en dépit de l'érosion des taux de grévistes enregistrés depuis le 3 avril.

Plus de 90.000 cheminots (91.068), soit 61,15% d'entre eux, ont pris part à cette "vot'action" organisée du 14 au 22 mai, là encore selon les syndicats.

"Ce résultat, qui témoigne d'une hostilité incontestable des cheminots vis-à-vis du pacte ferroviaire en cours de discussion, doit être entendu", a déclaré le secrétaire général de la CGT-cheminots, Laurent Brun, lors d'une conférence de presse.

"Si le gouvernement reste ferme, droit dans ses bottes, il est possible que les grévistes fassent de même et que le conflit perdure", a-t-il ajouté, laissant planer la menace d'un prolongement du mouvement au-delà de son terme, le 28 juin.

"Une réforme de cette ampleur-là ne peut pas se faire contre les salariés", a pour sa part averti Roger Dillenseger, de l'Unsa-ferroviaire.

Les syndicats entendent tirer profit de leur initiative à deux jours de leur prochain rendez-vous avec le Premier ministre, Edouard Philippe, qui doit faire des annonces, en particulier sur l'équilibre financier de la SNCF.

VOTE "EN DEHORS DE TOUT CADRE LÉGAL"

Mais, pour l'exécutif, c'est aux parlementaires qu'il appartient de se prononcer sur le devenir du système ferroviaire, un sujet d'intérêt national.

"Je pense qu'on ne peut pas s'asseoir sur le fait que 80% des députés ont voté le projet de loi à l'Assemblée le mois dernier et donc le débat va se poursuivre au Sénat", a balayé la ministre des Transports, Elisabeth Borne, invitée d'Europe 1.

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a mis en balance le référendum interne et les sondages qui montrent, a-t-il dit à l'issue du conseil des ministres, "un soutien croissant de la population à cette réforme ferroviaire".

Dans un communiqué, la direction de la SNCF a souligné les conditions d'organisation du vote des cheminots, qui s'est tenu "en dehors de tout cadre légal" : "Ni isoloir pour garantir le secret du vote, ni présence d'huissiers ou de tiers permettant de garantir la sincérité de l'expression, ni listing coordonné des salariés pour éviter les votes multiples."

Sur le fond, les leaders syndicaux ont une nouvelle fois rejeté mercredi la méthode gouvernementale et les principes généraux de la réforme - ouverture à la concurrence, fin de l'embauche au statut, transformation juridique de la SNCF.

Et, selon Laurent Brun, la reprise d'une partie de la dette reposant sur la SNCF - la presse avance le chiffre de 35 milliards d'euros sur un total de 47 milliards d'euros - ne saurait suffire à apaiser la colère des salariés.

SUD-RAIL APPELLE À LA DÉMISSION DE PEPY

"Cette dette publique devrait être intégralement reprise", a jugé Laurent Brun devant la presse.

La consultation, inspirée de celle qui a abouti à la démission du président d'Air France au début du mois, pose en outre la question de l'avenir de Guillaume Pepy à la tête de la SNCF, selon les syndicats.

Seul Sud-rail demande explicitement sa démission, tandis que la CGT l'appelle à "tirer les conséquences" du vote. CFDT et Unsa ont des positions plus tempérées mais jugent la confiance envers la direction largement entamée.

Mercredi, le taux de grévistes s'est élevé à 14,22%, selon les chiffres de la direction, au début du onzième épisode de mobilisation, avec une participation sous les 50% pour les conducteurs et les contrôleurs.

Un Transilien sur deux était en circulation, de même qu'un TER sur deux, trois TGV sur cinq, deux Intercités sur cinq et deux tiers des trains internationaux.

Parallèlelement, la réforme suit son cours au Sénat, où elle a été adoptée mercredi en commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, prélude à son examen en séance publique à partir du 29 mai.

Les sénateurs de ladite commission ont introduit 77 amendements, pour la plupart rédigés par le rapporteur du texte, Gérard Cornu (Les Républicains).

Ces amendements visent notamment à préciser les conditions de l'ouverture à la concurrence et à renforcer les garanties offertes aux salariés de la SNCF, dont certains seront appelés à passer au service d'autres entreprises.

L'une des mesures retenues garantit aux cheminots la posssibilité de refuser un transfert qui les contraindrait à changer de région.

(Simon Carraud avec Emmanuel Jarry et Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)