SNCF : Philippe s'engage sur 35 milliards, la grève continue

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Sncf: la cfdt poursuit la greve au moins jusqu'a la mi-juin[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

PARIS (Reuters) - Les syndicats de la SNCF ont appelé vendredi à la poursuite de la grève entamée il y a près de deux mois en dépit de la promesse "sans précédent" formulée par Edouard Philippe d'une reprise de la dette de la compagnie ferroviaire à hauteur de 35 milliards d'euros.

Le Premier ministre a également annoncé aux dirigeants syndicaux, qu'il a reçus à tour de rôle à Matignon, des investissements supplémentaires et une série d'autres mesures qui n'ont pas suffi à infléchir la position de la CGT et de Sud.

Les deux organisations les plus modérées, l'Unsa et la CFDT, attendent pour leur part la fin du processus parlementaire, à la mi-juin, pour envisager une éventuelle sortie de crise.

Les représentants des cheminots attendaient depuis longtemps des garanties sur l'avenir financier de la SNCF, qui serait condamnée avec sa dette actuelle - 47 milliards pour le seul réseau - une fois transformée en société anonyme et soumise à la concurrence de nouveaux acteurs.

L'opération de délestage se fera en deux temps, à raison de 25 milliards d'euros en 2020 et de 10 milliards d'euros en 2022, a précisé Edouard Philippe.

"Cette reprise constitue un engagement sans précédent de la Nation et donc du contribuable en faveur de la SNCF", a-t-il dit à la presse.

"UN GOUVERNEMENT QUI SEMBLE PLUS OUVERT"

Ces 35 milliards d'euros, qui représentent environ 1,5% du PIB de la France, viendront s'ajouter à la dette de l'Etat et ne seront pas financés par un "impôt SNCF", a-t-il promis.

Autrement dit, cette nouvelle charge risque d'avoir en 2020 et 2022 un impact sur la trajectoire des comptes publics telle que présentée dans le dernier pacte de stabilité, selon le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, Joël Giraud. [nL5N1SW593]

L'Elysée fait une analyse différente, selon laquelle la reprise pèsera sur la seule dette et non sur le déficit.

Les ministres de l'Economie et des Comptes publics ont déclaré vendredi soir dans un communiqué qu'il n'était pas possible à ce stade de se prononcer sur l'impact de la reprise partielle de la dette sur la trajectoire des finances publiques.

"L'analyse des autorités françaises est que la dette de SNCF réseau pourrait être reclassifiée dans la dette publique sans impact direct sur le déficit public", disent-ils dans un communiqué.

Pour se prémunir contre tout nouveau gonflement de la dette, l'exécutif compte introduire dans la réforme une "règle d'or" visant à interdire de nouveaux déséquilibres comptables.

Edouard Philippe a en outre annoncé 200 millions d'investissements supplémentaires par an sur le réseau ferroviaire à partir de 2022, pour un total de 3,8 milliards d'euros annuels. La hausse des péages imposés au TGV et au fret sera par ailleurs limitée au niveau de l'inflation.

"On a un gouvernement qui semble plus ouvert mais qui a du mal à s'engager", a jugé le secrétaire général de la CGT cheminots, Laurent Brun, tout en appelant à la poursuite de la grève.

La première force syndicale de la SNCF réclame la tenue d'une table ronde tripartite, en présence de responsables patronaux, "pour que le gouvernement fixe ses engagements par écrit vis-à-vis des grévistes", ce à quoi Edouard Philippe "n'a pas dit non", selon Laurent Brun.

Sud-Rail n'a pas dévié de sa ligne dure consistant à demander une suspension de la réforme et la démission de Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF.

"PESER JUSQU'AU BOUT"

Unsa et CFDT maintiennent aussi la pression en attendant le résultat de la commission mixte paritaire (CMP), à la mi-juin, qui doit servir à mettre en commun le texte voté par l'Assemblée nationale et la version révisée par le Sénat.

"Notre perception, c'est qu'on sort aujourd'hui de cette réunion avec une vision plus favorable que jamais", a salué le secrétaire général de l'Unsa ferroviaire, Roger Dillenseger.

Pour autant, "les annonces ne sont pas de nature à nous faire faire sortir du mouvement", a précisé Florent Monteilhet après avoir pris le pouls de la base.

Pour la CFDT, il y a des "éléments de satisfaction" mais le syndicat réformiste garde "le sentiment qu'il faut peser jusqu'au bout du processus parce que rien n'est jamais acquis", a déclaré son secrétaire général Laurent Berger.

Aux engagements financiers s'ajoutent des infléchissements sur le volet social, en premier lieu sur les conditions dans lesquelles les cheminots pourront être transférés, à partir de 2020, de la SNCF vers la concurrence - un point important pour l'ensemble des syndicats.

La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a annoncé qu'elle réunirait début juin les partenaires sociaux pour "relancer" les négociations dans la branche.

La réforme fera l'objet d'un vote solennel au Sénat le 5 juin. Elle prévoit l'arrêt de l'embauche au statut de cheminots à partir de 2020, l'ouverture à la concurrence et la transformation juridique de la SNCF.

Selon le calendrier défini par les organisations représentatives, la grève doit se poursuivre jusqu'au 28 juin, au rythme de deux jours d'arrêt de travail sur cinq.

Six Français sur dix jugent que le mouvement des cheminots n'est "pas justifié", une proportion en hausse de trois points par rapport au mois dernier, selon une enquête Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le Figaro publiée jeudi.

(Simon Carraud et Jean-Baptiste Vey, édité par Sophie Louet)