Faible mobilisation en France pour la "Marée populaire"

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Maree populaire contre la politique d'emmanuel macron[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

PARIS (Reuters) - La "marée populaire" souhaitée par les opposants à la politique sociale d'Emmanuel Macron a faiblement mobilisé samedi, malgré une union inédite de forces syndicales, de formations politiques de gauche et d'associations.

Plus de 140 manifestations et rassemblements ont été recensés dans toute la France, selon le ministère de l'Intérieur, 190, selon l'association altermondialiste Attac, l'une des soixante organisations à l'origine de cette journée d'action.

Les autorités font état d'une participation de 93.315 personnes sur le territoire: 21.000 à Paris, selon la préfecture de police et 72.315 en province, selon le ministère de l'Intérieur. Les organisateurs avancent le chiffre global de 280.000 manifestants sur le territoire, dont 80.000 à Paris.

Pour le Premier ministre, Edouard Philippe, il s'agit d'un "petit coefficient de marée" qu'il faut tout de même écouter.

"Les Français sont angoissés par la perspective d'une relégation collective et individuelle. Ignorer les frustrations et les colères serait méconnaître le pays", déclare-t-il dans une interview à paraître dans le Journal du dimanche.

Il dénonce toutefois ceux qui "attisent la tension sociale en essayant de rejouer dans la rue ce qu'ils ont perdu dans les urnes". "C'est un jeu dangereux: la démocratie a parlé", ajoute-t-il.

A Lyon, la mobilisation a rassemblé 1.600 personnes, selon la police, 2.000, selon les organisateurs. A Marseille, 4.200 manifestants ont été recensés selon la police et 65.000 selon les organisateurs.

Pour le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, qui s'exprimait sur BFM TV, la faiblesse de cette participation peut s'expliquer par le fait que les Français "commencent à voir les effets de la politique menée par ce gouvernement".

UNE MARÉE POPULAIRE DE "LONGUE HALEINE"

La "marée populaire" était organisée par des syndicats comme la CGT, Union solidaires et la FSU, des partis politiques, comme La France insoumise, le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) ou le PCF (Parti communiste français) ainsi que par des associations comme Attac et la Fondation Copernic.

Pour Attac, le combat pour un monde "plus égalitaire et plus solidaire" est de "longue haleine". Dans un communiqué, l'association qualifie cette journée de "succès". "Nous allons (...) continuer, plus déterminés que jamais !", dit-elle.

Présent dans le cortège à Marseille, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a appelé à un "Front populaire" pour commencer une "ère de partage".

"Nous ne supportons pas que d'aucuns aient tant de fois plus que le nécessaire, des milliers de fois plus que le commun des mortels, tandis que d'autres n'ont rien", a-t-il déclaré.

Sur des pancartes dans les défilés, on pouvait lire "Macron, la marée monte, tu vas boire la tasse" ou encore "Personne ne veut, personne ne peut attendre 2022 pour chasser Macron".

Mais sous la banderole de La France insoumise, certains militants ne cachaient pas leur relative déception. "Il faudrait qu'on soit 50 fois plus nombreux, il faut que les Français se réveillent", a dit à Reuters Maïté Stehli, présente à Strasbourg.

QUARANTE-TROIS INTERPELLATIONS

La journée s'est globalement déroulée dans le calme. A Paris, "un groupe de black blocs (...) a voulu s'en prendre à une banque mais les forces de l'ordre sont intervenues extrêmement rapidement", a déclaré Gérard Collomb.

Lors de cette opération, sept policiers ont été légèrement blessés. Une vitrine et deux abribus ont subi des dégradations, selon la préfecture de police. Au total, 43 personnes ont été interpellées, dont 32 en amont de la manifestation. Vingt-six ont été placées en garde à vue.

Emmanuel Macron avait déclaré vendredi, en marge de son déplacement en Russie, que cette marée populaire ne l'arrêterait pas. Le chef de l'Etat a critiqué ceux qui "ne proposent rien au pays" et "veulent la grande violence".

Cette journée a marqué un tournant dans la contestation sociale, qui était jusqu'à présente circonscrite à des mouvements catégoriels: cheminots, fonctionnaires ou encore des travailleurs des maisons médicalisées (Ehpad) et retraités.

Découplée officiellement du Parti communiste (PCF) en 1996 dans le sillage de la chute de l'URSS, la CGT a défilé pour la première fois en plus de vingt ans aux côtés de partis politiques, au risque de voir ces derniers lui porter ombrage, estiment certains analystes.

Force ouvrière et la CFDT n'ont pas participé à cette journée "par souci d'indépendance".

"Le petit gain d'opportunisme d'aujourd'hui, c'est une grosse perte pour demain", déclare le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dans le Journal du dimanche. "Il offre une légère zone de confort durant quelques jours, mais peut engendrer une grosse source de confusion pour le syndicalisme."

Le Parti socialiste (PS) a également refusé d'y participer.

Pour Philippe Martinez, une mobilisation conjointe avec des partis politiques n'enlève rien au message syndical. "Quand on parle de pouvoir d'achat, de droits sociaux, de protection sociale, ce sont des revendications que portent les syndicats", a-t-il dit dans le cortège parisien.

(Caroline Pailliez, avec Catherine Lagrange, Jean-François Rosnoblet, Gilbert Greilhac, Julie Rimbert et Emmanuel Jarry; édité par Henri-Pierre André)