Les commerçants du Venezuela s'inquiètent des réformes de Maduro

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Les commercants du venezuela s'inquietent des reformes de maduro[reuters.com]
(Crédits : Marco Bello)

par Mircely Guanipa et Anggy Polanco

PUNTO FIJO/SAN CRISTOBAL, Venezuela (Reuters) - Après que le président vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé vendredi l'augmentation du salaire minimum mensuel, multiplié par 60, les commerçants du pays faisaient face samedi à un angoissant dilemme: fermer boutique ou hausser les prix au risque de faire fuir les derniers clients.

Lors d'une allocution télévisée vendredi soir, Nicolas Maduro a décrété la mise en place d'un taux de change unique rattaché au "petro", la crypto-monnaie lancée cette année par le gouvernement, et la dépréciation de 96% de la monnaie nationale, le bolivar.

Ces mesures radicales, destinées à sortir le pays d'une grave crise économique marquée par une inflation galopante et la chute du bolivar, ont choqué de nombreux Vénézuéliens.

Et particulièrement les commerçants, qui luttaient déjà pour rester à flot en raison de l'hyperinflation, des prix fixés par le gouvernement sur une vaste gamme de produits (farine, couches,...) et d'un contrôle des changes très strict imposé par Caracas qui freine les importations et provoque des pénuries de matières premières.

De nombreux magasins étaient fermés samedi, alors que leurs propriétaires réfléchissaient aux conséquences de ces mesures financières, parmi les plus importantes du gouvernement Maduro en cinq ans.

Les économistes ont prévenu que certaines entreprises ne pourraient pas supporter l'augmentation massive du salaire minimum mensuel, qui passe de 3 millions à 180 millions de bolivars, soit environ de 0,5 à 30 dollars.

Selon eux, le taux de chômage va augmenter, de même que va s'accroître l'exode massif des Vénézuéliens vers les pays voisins.

"FERMETURE DE MILLIERS D'ENTREPRISES"

Jhonny Herrera, âgé de 41 ans, propriétaire d'une quincaillerie dans la péninsule de Paraguana, au nord du pays, a déclaré qu'il allait devoir licencier deux de ses trois employés parce qu'il ne pouvait plus se permettre de les payer.

"J'ai pensé à fermer pour de bon et partir, encore plus avec ces augmentations. Je ne l'ai pas fait à cause de mon fils de 14 ans, que j'aurais laissé ici parce qu'il aurait fallu que j'émigre d'abord", a-t-il confié.

Avant la chute des cours du pétrole, qui est pratiquement l'unique source de devises du pays, Herrera employait dix personnes.

Pour atténuer le choc, Nicolas Maduro a promis que le gouvernement prendrait en charge l'augmentation des salaires pour les petites et moyennes entreprises pendant trois mois.

Cependant le chef de l'Etat n'a fourni aucun détail sur la mise en oeuvre de cette mesure. Il demeurait flou comment le gouvernement, en manque de fonds et endetté, pourrait effectuer de si lourds paiements, ou s'il disposait de la capacité logistique pour verser tous les salaires à temps.

Aucune précision n'a été apportée par le ministère de l'Information.

L'opposition a appelé à une journée de grève nationale et à des manifestations mardi. Toutefois les précédentes tentatives pour rassembler les Vénézuéliens ont eu peu d'impact, du fait de divisions au sein de l'opposition.

Si la principale chambre du Commerce du pays a déclaré ne pas encore disposer d'estimations sur les effets des nouvelles mesures, des économistes locaux anticipent un lourd tribut.

"Un salaire minimum de 180 millions de bolivars dans la situation actuelle implique la fermeture de milliers d'entreprises et le chômage de nombreuses personnes", a estimé l'économiste Luis Oliveros.

Le propriétaire d'une boulangerie située à San Cristobal, dans le nord-ouest du pays, a dit être contraint "d'augmenter les prix".

"Et si je ne vends pas, la production baisse, et je dois renvoyer certains de mes employés. Je me sens vraiment mal", a expliqué Luis Carballo, âgé de 59 ans et qui travaille dans le secteur depuis qu'il a 14 ans.

(avec la contribution d'Isaac Urrutia à Maracaibo, Maria Ramirez à Ciudad Bolivar et Mayela Armas à Caracas; Jean Terzian pour le service français)