Un rapport parlementaire pour un déstockage de Stocamine

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PARIS (Reuters) - Un projet de rapport parlementaire préconise le déstockage de la quasi-totalité des déchets toxiques entreposés dans les galeries de Stocamine, une ancienne mine d'Alsace victime d'un incendie en 2002, comme le demandent les défenseurs de l'environnement.

Seuls les déchets situés dans la galerie qui a subi le sinistre devraient restés confinés, en raison de la dangerosité des lieux, estime le projet de rapport que Reuters s'est procuré et qui devait être soumis ce mardi soir au vote de deux commissions de l'Assemblée nationale.

S'il est adopté, c'est la première fois qu'un rapport politique se prononcera pour une solution que réclament depuis toujours les syndicats de mineurs, les associations environnementales et les populations locales.

"Un déstockage des déchets restants a pour ambition d'éviter tout risque de contamination de la plus grande nappe phréatique d'Europe", souligne le rapport de la mission d'information présidée par le député La République en marche (LaReM) du Bas-Rhin Vincent Thiébaud, avec pour rapporteurs les députés du Haut-Rhin Bruno Fuchs (MoDem) et Raphaël Schellenberger (Les Républicains).

"Nous préconisons l'application du principe de précaution", explique Vincent Thiébaut, soulignant que l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques) évoque un "risque d'effet seringue", soit l'ennoyage à terme des zones de stockage et la remontée des eaux polluées dans la nappe.

Alors que quelque 42.000 tonnes de déchets ultimes, dont la moitié de classe 0 - les plus toxiques -, restent enfouis à 500 mètres sous terre dans les galeries de Stocamine, le rapport conditionne un déstockage total à plusieurs conditions.

La décision ne pourra être prise que si l'expertise indépendante commandée par l'ex-ministre de l'Environnement Nicolas Hulot au BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) conclut à sa faisabilité technique.

DES DECHETS EN ALLEMAGNE

Il faudra "s'assurer de l'existence d'une solution de restockage des déchets offrant de meilleures garanties que le site de Stocamine". Si des sites existent en France pour les déchets de classe 1, ceux de classe 0 devront probablement partir en Allemagne.

Selon les Mines de potasse d'Alsace, société publique propriétaire du site, un déstockage total coûterait jusqu'à 480 millions d'euros et prendrait entre 12 et 24 ans.

Lancée en 1997 sur le carreau de mine désaffecté de Wittelsheim (Haut-Rhin), Stocamine, une société qui appartenait aux deux tiers à l'Etat et pour un tiers à Tredi, une filiale de Séché environnement, devait devenir le seul centre français de stockage de déchets de classe 0.

L'incendie de 2002, après trois ans d'activité, avait révélé que des déchets non autorisés avaient été admis mais également que les conditions de réversibilité annoncées (la possibilité de ressortir les déchets) n'étaient pas assurées.

Ségolène Royal, alors ministre de l'Environnement, avait accepté en 2012 de faire procéder au déstockage de 93% des 2.200 tonnes de déchets contenant du mercure, considérés comme les plus nocifs pour la nappe phréatique.

En contrepartie de cette opération qui s'est achevée en 2017, le site devait être définitivement confiné de telle sorte que les déchets, parmi lesquels des produits arséniés, phytosanitaires ou de l'amiante, rencontrent le plus tard possible les eaux d'exhaure.

Le rapport parlementaire se penche également sur les causes de ce fiasco industriel et environnemental. Il souligne le "flou" qui a entouré d'emblée la notion de réversibilité et le fait qu'aucune des conditions qui l'aurait permise n'a été vraiment respectée -- traçabilité du stockage, de la stabilité des contenants ou l'accessibilité des déchets.

De même, l'impact sur l'environnement aurait été "mal évalué", les études sur le temps nécessaire pour que l'eau atteigne les galeries variant de 1.500 ans pour l'une, 380 pour une autre, 70 ans selon une troisième.

La rentabilité du projet est également mise en cause. En trois ans d'exploitation, Stocamine a perdu 16 millions d'euros.

"L'impératif économique semble avoir prévalu sur la garantie de réversibilité du stockage", disent les rapporteurs.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)