La "Große Koalition" en crise après l'affaire Maassen

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La grosse koalition en crise apres l'affaire maassen[reuters.com]
(Crédits : Hannibal Hanschke)

par Paul Carrel

BERLIN (Reuters) - Sociaux-démocrates et conservateurs, qui cohabitent bon gré mal gré au sein de la "grande coalition" d'Angela Merkel, le font un peu comme un vieux couple que tout divise mais qui n'a ni les moyens ni le courage de se séparer.

Telle est la conclusion de l'affaire Hans-Georg Maassen, le chef des services de renseignement, soupçonné de sympathies pour l'extrême droite après avoir douté de l'authenticité des "chasses aux migrants" qui ont eu lieu fin août à Chemnitz, en marge de manifestations xénophobes.

Au terme de onze jours de crise, le directeur de l'Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) a été muté au ministère de l'Intérieur et à un poste mieux rémunéré, ce qui n'a fait qu'exacerber la rancoeur des militants de droite et de gauche les uns envers les autres. A défaut d'un projet commun, leurs chefs de file, eux, restent unis par la crainte. [nL8N1W468N]

Le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, par ailleurs président de l'Union chrétienne sociale (CSU), alliée bavaroise de la CDU de Merkel, "apprécie ses compétences en matière de sécurité publique", a justifié le gouvernement.

Cette décision, a jugé mercredi la présidente du Parti social-démocrate (SPD), est un "fardeau de plus" pour la coalition, mais, a ajouté Andrea Nahles, "le SPD ne doit pas sacrifier ce gouvernement parce que Horst Seehofer emploie un haut fonctionnaire que nous jugeons inadéquat".

L'affaire, qui est loin d'être la première depuis la reconduction de la grande coalition, il y a six mois, menace d'entamer un peu plus le crédit et l'autorité des partis de gouvernement, alors que l'Allemagne et l'Europe réclament plus de fermeté.

Conservateurs et sociaux-démocrates, menacés à l'extrême droite par Alternative pour l'Allemagne (AfD) et à gauche par les Verts, s'accrochent donc à cette grande coalition emmenée par une Angela Merkel qui accomplit sans doute son dernier mandat et tente de préserver son bilan.

"La grande coalition est comme un vieux mariage où les époux ont trop de biens en commun pour pouvoir se séparer sans subir de lourdes pertes", résume l'éditorialiste de Die Zeit, Josef Joffe. "Ils se feraient étriller en cas d'élections anticipées et ne pourraient trouver partenaire plus docile parmi les quatre partis d'opposition."

Deux mois avant l'affaire Maassen, la CSU et la CDU s'entre-déchiraient au sujet de l'immigration, sujet éminemment sensible depuis qu'Angela Merkel a décidé d'ouvrir les frontières aux demandeurs d'asile fuyant les violences du Proche et du Moyen-Orient.

"La seule chose qui reste grande dans cette coalition, c'est la détermination absolue de continuer à surnager", jugeait mardi le quotidien Bild.

"COMME UN VOLCAN"

La Große Koalition a été reconduite faute de mieux six mois après les législatives, une fois l'option "jamaïcaine" - conservateurs-libéraux-écologistes - écartée.

Après le "compromis Maassen", les partisans de la rupture, soucieux de reconquérir l'électorat traditionnel de la gauche et une classe moyenne séduite par les Verts, se sont fait plus pressants chez les sociaux-démocrates.

"La patience au sein du SPD vis-à-vis de cette grande coalition est extrêmement réduite", souligne Ralf Stegner, membre influent de la formation.

"Nous devons enfin sortir de cette crise permanente", estime quant à lui Lars Klingbeil, secrétaire général du SPD.

L'ouverture des frontières en 2015 - une décision-charnière pour la chancelière et son gouvernement - continue à hanter la CSU, qui craint d'être débordée par l'AfD lors des élections du 14 octobre en Bavière et pourrait devenir un partenaire encore plus remuant si elle perdait sa majorité au parlement régional.

Au niveau fédéral, le bloc conservateur se situe aux alentours de 30% des intentions de vote, soit trois points de moins qu'aux élections de septembre dernier. Le SPD, qui perd deux points et demi, est quant à lui crédité de 18%, alors que l'AfD et les Verts sont aux alentours de 15%.

Pour le politologue Gero Neugebauer, de l'Université libre de Berlin, Angela Merkel a de plus en plus de mal à entretenir l'image d'une alliance "fonctionnelle et capable d'agir" alors que la coalition "bouillonne comme un volcan".

(Jean-Philippe Lefief pour le service français)