La Cour des comptes doute de la trajectoire des finances locales

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La cour des comptes doute de la trajectoire des finances locales[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - La Cour des comptes estime que le respect de la trajectoire d'amélioration des finances des collectivités locales fixée par le gouvernement sur le quinquennat est entouré d'une "grande incertitude" et qu'il devra peut-être recourir à nouveau à l'arme de la baisse des dotations pour arriver à ses fins.

Dans son rapport annuel sur les finances locales, la Cour dresse un bilan plutôt positif de la baisse de plus de 10 milliards d'euros des concours de l'Etat intervenue entre 2013 et 2017, qui a amené selon elle les régions, départements et communes à un réel effort de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement.

Leur progression a été limitée à 1,5% en moyenne sur 2013-2017 contre 3,0% sur 2010-2013, ce qui a permis aux collectivités de renouer avec des excédents qu'elles n'avaient pas connus depuis 2003, mais au prix aussi d'une baisse de leurs investissements.

Le rebond (+2,1%) des dépenses de fonctionnement intervenu en 2017, à la faveur d'un relâchement de la pression sur les communes et des hausses de rémunérations décidées par l'Etat, fait dire toutefois à la Cour des comptes que le redressement amorcé est "fragile" et "modeste".

Le nouvel exécutif élu en 2017 a choisi de recourir à la contractualisation avec les 322 plus grandes collectivités pour faire respecter un objectif national de hausse annuelle en valeur de 1,2% de leurs dépenses de fonctionnement.

Cet objectif "ambitieux" paraît devoir être respecté en début de quinquennat, d'autant qu'il s'accompagne d'un impact bien plus faible des décisions de l'Etat en termes de normes sur le budget des collectivités par rapport aux années précédentes.

La hausse limitée à 0,9% des dépenses locales constatée à fin août par Bercy laisse ainsi penser que l'engagement sera tenu cette année.

La Cour des comptes est plus dubitative pour la suite, soulignant que, avec le retour de l'inflation, les dépenses de fonctionnement de collectivités devront baisser en termes réels à partir de 2020, ce qui serait inédit jusqu'ici.

PEU DE MODALITÉS LOCALES

Elle pointe aussi deux faiblesses du dispositif retenu, la première étant qu'une part significative (un tiers) de la dépense locale reste hors encadrement des dépenses.

Quant au taux national de 1,2% appliqué à toutes les catégories, il ne laisse la place qu'à peu de modalités locales en fonction des contraintes individuelles.

C'est notamment le cas pour les départements, 53 d'entre eux ayant vu leurs dépenses de solidarité progresser de plus de 1,2% en 2017, ce qui explique pour la Cour la part élevée (29%) de collectivités non signataires d'accords de contractualisation avec l'Etat parmi les 322 ciblées.

En attendant, avec l'arrêt de la baisse des concours de l'Etat et le dynamisme des rentrées fiscales, la Cour des comptes voit l'épargne des collectivités s'améliorer fortement et dépasser les besoins de financement de leurs investissements.

Elle juge peu probable qu'elles en profitent pour réduire un endettement dont le niveau est faible dans les grandes collectivités, ou qu'elles baissent leurs impôts au moment où l'Etat a entrepris de les priver de la taxe d'habitation, une incertitude persistant sur la compensation de sa suppression totale.

"L'importante amélioration de leur équilibre financier pourrait conduire les collectivités à sortir de la trajectoire prévue en renforçant leur effort d'équipement ou relançant les dépenses de fonctionnement", écrit-elle en prédisant que leur "relative aisance (...) rendrait peu dissuasives les pénalités prévues par la loi" en cas de dépassement de l'objectif de 1,2%.

Si ce scénario se confirmait, "l'État devrait alors s'interroger sur le retour, au moins à titre complémentaire, à un mode de régulation fondé sur la réduction de ses concours financiers", conclut la Cour.

Car "l'amélioration globale de la capacité d'autofinancement des collectivités locales, telle que prévue par la loi de programmation, rendrait peu soutenable le maintien de mécanismes de dotations qui tiennent insuffisamment compte de leurs niveaux respectifs de ressources et de charges."

(Yann Le Guernigou, édité par Yves Clarisse)