La banque suisse UBS sur le banc des accusés en France

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(Crédits : Arnd Wiegmann)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - La plus grande banque suisse, UBS, sa filiale française et six de ses dirigeants ou ex-cadres accusés d'avoir aidé des milliers de contribuables français à échapper au fisc comparaissent à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris.

Il est reproché à UBS d'avoir démarché illicitement des résidents fiscaux français de 2004 à 2011, alors qu'elle n'était pas habilitée à intervenir sur le territoire français.

Elle est aussi accusée de "blanchiment aggravé de fraude fiscale" pour avoir apporté "de manière habituelle" son concours à des opérations de dissimulation de fraudes à l'impôt sur le revenu, les sociétés ou la fortune, pendant la même période.

Sa filiale française, UBS France, est jugée pour complicité des mêmes faits.

Le parquet national financier (PNF) évalue les avoirs concernés à 10,6 milliards d'euros au 1er juin 2006 et 8,5 milliards au 30 novembre 2008, sommes que conteste la banque.

Dans un premier temps, UBS avait accepté en 2014 une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) pour éviter un procès, en échange d'une amende de 75 millions d'euros, selon des sources proches du dossier.

Mais la banque y a renoncé pour éviter les conséquences qu'aurait eu cette reconnaissance de culpabilité sur ses activités aux Etats-Unis et s'est vue alors infliger en France une caution de 1,1 milliard d'euros.

Des négociations sur une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), mécanisme dont a bénéficié une filiale suisse d'HSBC, accusée aussi d'avoir aidé des contribuables français à frauder le fisc, et qui a payé 300 millions d'euros pour mettre fin aux poursuites, ont également tourné court.

DE LOURDES PEINES ENCOURUES

Selon des sources proches du dossier, le PNF demandait pour mettre fin aux poursuites un montant équivalent à la caution, alors qu'UBS n'était pas prêt à aller au-delà du montant accepté pour la CRPC. Dès lors, le procès était devenu inévitable.

Du côté de la défense des huit prévenus, on dénonce un "procès en sorcellerie" et une procédure "déloyale" en violation des conventions internationales.

"UBS aura enfin la possibilité de répondre aux allégations souvent infondées et fréquemment diffusées sous la forme de fuites dans les médias, en violation manifeste de la présomption d'innocence et du secret de l'instruction", a fait savoir la banque helvétique vendredi.

Les avocats des prévenus entendent présenter plusieurs questions préalables de constitutionnalité et toute une série d'exceptions de nullité, qui devraient occuper le tribunal pendant la première des six semaines d'audiences prévues.

Les prévenus encourent des peines maximales de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende, pouvant être portées à 10 ans et 750.000 euros en cas de blanchiment aggravé.

Les amendes peuvent même aller jusqu'à la moitié de la valeur des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment présumé, ce qui pourrait, en l'occurrence, dépasser quatre milliards d'euros.

Ce procès sera vraisemblablement suivi de près par les grands banquiers européens et internationaux.

"LE BANQUIER DE LUCIFER"

"Une sanction sévère à l'encontre d'UBS conforterait les dirigeants les plus prudents du secteur bancaire, ceux qui défendent une approche plus vertueuse vis-à-vis du blanchiment et de la fraude fiscale", estime ainsi l'analyste de l'agence de notation Fitch François-Xavier Deucher.

La crise financière de 2008, des scandales financiers, et de nouvelles directives européennes sur l'échange d'informations fiscales entre pays ont déjà amené les banques à plus de rigueur et à mettre de l'ordre dans leurs filiales, quitte à se séparer de clients indélicats, rappelle-t-il.

Coïncidence qui n'a rien de fortuit, l'ex-banquier américain d'UBS Bradley Birkenfeld, qui a dénoncé les pratiques de la banque aux autorités américaines, est en France pour la sortie de la traduction de son livre de 2016 "Le banquier de Lucifer - Comment j'ai brisé le secret bancaire suisse".

Il avait été entendu en février 2015 comme témoin par la justice française mais le tribunal de Paris n'a pas prévu de le faire venir à la barre. Il a cependant confié à Reuters qu'il avait bien l'intention d'assister au procès et de distribuer gratuitement à cette occasion son livre.

(Avec Inti Landauro, édité par Yves Clarisse)