Brexit : Les Européens pressent May de trouver une solution à Londres

reuters.com  |   |  897  mots
Brexit: londres prete a discuter d'une extension de la transition, selon may[reuters.com]
(Crédits : Yves Herman)

par Jean-Baptiste Vey, Elizabeth Piper et Gabriela Baczynska

BRUXELLES (Reuters) - Theresa May et d'autres dirigeants européens ont dit jeudi leur confiance dans leur capacité d'éviter une sortie sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne mais la Première ministre britannique devra pour cela surmonter le désordre au sein de sa propre majorité, ont prévenu plusieurs de ses partenaires européens

"Ça n'est plus un sujet technique: tous les scénarios techniques ont été vus et revus, c'est un sujet de capacité politique britannique à trouver un accord présentable", a dit Emmanuel Macron à l'issue du Conseil européen, à Bruxelles.

"C'est aujourd'hui très clairement à la Première ministre et ses équipes de revenir avec une solution sur la base du compromis politique nécessaire du côté du Royaume-Uni", a ajouté le président français lors d'une conférence de presse.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, s'est dit convaincu qu'un accord serait trouvé sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE, fixé au 29 mars prochain à 23h00 GMT, évitant ainsi le chaos économique qu'engendrerait un départ désordonné.

"On y arrivera", a-t-il dit à la fin du Conseil.

Theresa May s'est elle aussi montrée optimiste. "J'ai confiance dans le fait que nous allons parvenir à un bon accord", a-t-elle déclaré.

Le temps presse car l'accord de retrait que Londres et Bruxelles pourraient finir par négocier devra ensuite être ratifié par les parlements britannique et européen.

UNE NOUVELLE PISTE

La Première ministre britannique a fait savoir que son pays était prêt à discuter d'une extension de la période de transition prévue après sa sortie de l'Union, une piste envisagée pour débloquer les négociations.

Ces négociations, qui semblaient sur le point d'aboutir, ont achoppé le week-end dernier sur le problème récurrent de la frontière irlandaise, en raison des désaccords politiques à Londres.

Cette extension optionnelle de la période de transition, durant laquelle le Royaume-Uni tout entier restera soumis aux règles et obligations européennes, ne durerait que quelques mois et n'aurait sans doute même pas besoin d'être mise en oeuvre, a insisté Theresa May, alors que certains dans son camp exprimaient leur colère.

Pour l'heure, la transition doit durer 21 mois, jusqu'à la fin décembre 2020. La possibilité de la prolonger pourrait aider May à convaincre une partie suffisante de sa majorité qu'il ne sera jamais nécessaire de mettre en oeuvre de la solution européenne du "backstop" (filet de sécurité), une clause de sauvegarde qui s'appliquerait en l'absence d'une meilleure solution afin de garantir l'absence de frontière sur l'île d'Irlande.

Cette extension "ne devrait pas être utilisée car nous travaillons pour nous assurer que la relation future (ndlr, entre le Royaume-Uni et l'UE) sera en place en décembre 2020", a souligné May.

Ce second accord, qui doit définir les relations commerciales futures entre les deux entités, est censé garantir à la fois l'absence de frontière physique en Irlande (par crainte de fragiliser les accords de paix de 1998 voire de provoquer un retour des violences) et l'intégrité du Royaume-Uni (menacée par la solution européenne du "backstop" selon les Brexiters les plus fervents et les unionistes du Parti démocratique d'Ulster dont dépend la majorité de May à la Chambre des communes).

La clause de sauvegarde, que les Européens veulent voir figurer dans l'accord de retrait, reviendrait à instaurer des contrôles et à créer de fait une sorte de frontière entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.

COLÈRE DE CERTAINS ALLIÉS DE MAY

Les Britanniques n'ont pour l'instant pas demandé une telle extension, une solution loin d'être idéale pour eux car elle signifierait que le Royaume-Uni serait forcé de respecter plus longtemps les règles européennes sans participer aux décisions.

Selon une source à la présidence française, une telle possibilité d'extension se ferait sous conditions.

"Il ne s'agit pas de dire: 'On a une période de transition indéfinie, sans aucune décision à prendre pour l'activer ou non'," a-t-elle déclaré. "Ce ne devrait pas être automatique, ce devrait être sans doute limité, ce devrait être avec l'accord des Vingt-Sept et vraisemblablement à l'unanimité."

Jacob Rees-Mogg, un des chefs de file eurosceptiques au sein du Parti conservateur britannique, a repoussé cette piste jeudi.

"C'est une idée mal pensée", a-t-il déclaré sur Sky News. "Ce serait très coûteux et cela ne résoudrait pas le problème du 'backstop' car le 'backstop' subsisterait à la fin de cette période de transition additionnelle."

Des critiques sont également venues du Parti unioniste démocratique (DUP). "Cela ne changerait rien au 'backstop', donc cela ne règle en rien les inquiétudes, a déclaré Diane Dodds, députée européenne de la formation nord-irlandaise.

En l'état, les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ont décidé mercredi soir que les résultats des négociations étaient insuffisants pour convoquer le mois prochain un sommet spécial un temps envisagé. Mais ils se sont dits prêts à se réunir dès que leur négociateur Michel Barnier ferait état de progrès décisifs.

(avec les bureaux de Bruxelles et Londres; édité par Yves Clarisse et Henri-Pierre André)