Elections législatives en Afghanistan sous la menace talibane

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Elections legislatives en afghanistan sous la menace talibane[reuters.com]
(Crédits : Mohammad Ismail)

par Rupan Jain et Abdul Qadir Sediqi

KABOUL (Reuters) - Des élections législatives ont lieu samedi en Afghanistan dans une contexte de violence qui a entraîné le report du scrutin dans certaines régions, un test important avant l'élection présidentielle de l'an prochain.

Des milliers de policiers et soldats ont été déployés à travers le pays et un nombre restreint de bureaux de vote ont été ouverts : 5.100 contre 7.355 prévus par les autorités électorales.

Les autorités craignent que les électeurs n'osent pas se rendre dans les bureaux de vote, surtout après l'assassinat jeudi du chef de la police de Kandahar, province stratégique de située dans le sud du pays.

Cet attentat, qui a provoqué le report d'une semaine du scrutin dans la province de Kandahar, a été revendiqué par les taliban.

Le scrutin a également été retardé dans la province de Ghazni, dans le centre de l'Afghanistan, à cause d'un différend sur la représentation des différents groupes ethniques.

Le président Ashraf Ghani s'est rendu dans un bureau de vote pour glisser son bulletin dans l'urne. Il a appelé "tous les Afghans, hommes et femmes" à exercer "leur droit de vote".

Les insurgés ont multiplié ces derniers mois les attaques spectaculaires contre les forces de sécurité afghanes et ont promis de s'en prendre samedi aux bureaux de vote, considérant le scrutin comme un processus imposé par les puissances étrangères.

Neuf candidats ont été tués lors d'attaques commises durant la campagne électorale. Des centaines d'anonymes ont également été tués ou blessés dans des attentats liés au scrutin.

Les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 (02h30 GMT) et devraient fermer leurs portes à 16h00. En raison de la difficulté de collecte des résultats, les résultats définitifs en seront pas connus avant au moins deux semaines.

Au début du scrutin, des électeurs et les observateurs électoraux ont signalé des problèmes dans certaines régions, notamment l'ouverture tardive de plusieurs bureaux de vote et des difficultés avec l'équipement de vérification biométrique des électeurs qui a été installé à la dernière minute. Certains centres électoraux ne l'ont reçu que jeudi.

ROQUETTES À KABOUL

"De nombreux sites de l'ouest de Kaboul ne sont toujours pas ouverts. J'attends ici depuis deux heures et demie, mais les agents électoraux disent qu'ils attendent les listes électorales", a déclaré Mohammad Mohaqeq, un dirigeant de la communauté Hazara, très présente dans l'ouest de la capitale.

Des incidents de sécurité isolés ont été signalés, notamment des roquettes à Kaboul, la capitale, ainsi qu'à Kunduz, dans le nord du pays. Des tirs d'armes à feu ont été entendus autour de Ghazni.

De petites explosions ont eu lieu dans la province de Kapisa et dans les secteurs situés à l'extérieur de la capitale Kaboul.

Les accusations généralisées de fraude constituent un problème supplémentaire pour la légitimité du processus, considéré comme une étape indispensable avant l'élection présidentielle prévue en avril 2019.

La vie politique afghane reste marquée par les querelles qui ont suivi le scrutin présidentiel de 2014. Les deux principaux partis ont été contraints de former une coalition instable après s'être mutuellement accusés de fraude électorale massive.

L'Afghanistan est un des pays les plus corrompus, selon le classement de Transparency International.

"La fraude, l'abus de pouvoir et la corruption vont être la principale difficulté, bien plus que la sécurité", a déclaré Aziz Rafiee, analyste politique et directeur exécutif du Forum de la société civile afghane, qui réunit un très grand nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) présentes en Afghanistan.

Près de 8,8 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales mais, selon certaines estimations, jusqu'à 50% d'entre elles pourraient s'y trouver à tort ou à cause de la fraude.

La Constitution afghane prévoit que le parlement examine et ratifie les lois, mais il ne dispose en réalité que d'un pouvoir réduit.

Les électeurs doivent désigner les 250 députés de la chambre basse, la Chambre du peuple. Un siège est réservé à la minorité sikhe. Près de 2.450 candidats sont en lice. La Chambre du peuple et le Sénat forment l'Assemblée nationale d'Afghanistan.

(Avec Storay Karimi à Herat, Mohammad Stanekzai à Lashkar Gah et Akram Walizada, Sayed Hassib et Hamid Shalizi à Kaboul; Jean Terzian et Danielle Rouquié pour le service français)