Ryad confirme la mort de Khashoggi, nie toute implication de "MbS"

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Ryad confirme la mort de khashoggi[reuters.com]
(Crédits : Huseyin Aldemir)

par Aziz El Yaakoubi et Yara Bayoumy

WASHINGTON/DUBAI (Reuters) - L'Arabie saoudite a déclaré dans la nuit de vendredi à samedi que le journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi était mort au consulat saoudien à Istanbul où il s'était rendu le 2 octobre, niant cependant que le Royaume a ordonné un assassinat.

Les premiers résultats de l'enquête menée par les autorités saoudiennes indiquent que Jamal Khashoggi est mort à la suite d'une bagarre avec des personnes qui l'ont rencontré au consulat saoudien à Istanbul.

Donald Trump a déclaré penser que l'explication donnée par Ryad était crédible, alors que plusieurs parlementaires américains ont fait part de leur scepticisme.

En déplacement dans l'Arizona pour un meeting de campagne républicain, le président américain a souligné que l'annonce faite par l'Arabie saoudite était "un bon premier pas".

La Maison blanche a dit avoir "pris connaissance" de l'annonce de l'Arabie saoudite et qu'elle continuerait "à suivre de près les enquêtes internationales sur cet incident".

Plus tôt dans la journée, Donald Trump avait déclaré qu'il pourrait envisager des sanctions contre Ryad dans cette affaire, tout en insistant sur l'importance des relations américano-saoudiennes. Il a de nouveau souligné dans la soirée ne pas vouloir que d'éventuelles sanctions contre Ryad affectent les contrats d'armements.

Le secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres, s'est dit "profondément troublé" par la confirmation par Ryad de la mort de Jamal Khashoggi et a appelé à une enquête "approfondie et transparente".

La France a condamné "avec la plus grande fermeté" le "meurtre" du journaliste saoudien Jamal Khashoggi et réclame que la lumière soit faite sur les circonstances de son décès afin d'établir "l'ensemble des responsabilités".

La chancelière allemande, Angela Merkel, a condamné avec force la mort du journaliste et jugé insuffisantes les informations sur les circonstances de son décès données par les autorités saoudiennes.

L'Arabie saoudite avait jusqu'alors déclaré que le journaliste était ressorti du consulat saoudien à Istanbul peu après y être entré.

Un représentant saoudien informé de l'avancée de l'enquête a dit samedi qu'aucun ordre d'enlèvement ni d'assassinat n'avait été donné par le Royaume, précisant que le prince héritier Mohamed ben Salman ne savait pas qu'une opération spécifique serait menée au consulat saoudien d'Istanbul.

Selon le parquet national saoudien, une bagarre a éclaté entre Jamal Khashoggi et des personnes qui l'ont rencontré au consulat saoudien à Istanbul, ce qui a conduit à son décès.

Dix-huit ressortissants saoudiens ont été arrêtés pour le moment et l'enquête se poursuit, est-il ajouté dans le communiqué diffusé par la presse officielle saoudienne.

Jamal Khashoggi n'avait plus donné signe de vie depuis qu'il s'était rendu, le 2 octobre, au consulat saoudien à Istanbul.

Dans un communiqué diffusé par l'agence de presse SPA, le ministère saoudien de la Justice indique que l'affaire Khashoggi s'est déroulée dans un territoire où l'Arabie saoudite est souveraine et qu'elle sera étudiée par les tribunaux du pays quand toutes les procédures seront terminées.

MALAISE

Des sources turques ont dit à Reuters que les autorités d'Ankara étaient en possession d'un enregistrement audio attestant que Khashoggi a été tué dans le consulat.

Le journal Yeni Safak, proche du pouvoir turc, a retranscrit mercredi des extraits d'un enregistrement audio indiquant, selon lui, que Khashoggi a été interrogé et torturé. Le journaliste a été tué en quelques minutes, a-t-il précisé, puis ses bourreaux l'ont décapité et démembré.

La Turquie n'a partagé avec aucun autre pays des enregistrements sonores liés à Jamal Khashoggi, qui s'était exilé il y a plus d'un an aux Etats-Unis et écrivait régulièrement dans le Washington Post, a déclaré vendredi le ministre des Affaires étrangères.

L'affaire de la disparition de Khashoggi a eu de telles répercussions dans le monde que le roi Salman s'est senti obligé d'intervenir directement, ont déclaré à Reuters cinq sources liées à la famille royale.

Elle a aussi terni la réputation du prince héritier Mohamed ben Salman, surnommé "MbS", soupçonné d'avoir fait assassiner Khashoggi.

Le roi Salman a ordonné la restructuration de la direction de l'agence générale du renseignement, a dit samedi l'agence officielle de presse SPA, précisant que cette restructuration s'effectuerait sous la supervision de "MbS".

Un haut responsable du renseignement, Ahmed Asiri, et un conseiller à la cour, Saud al-Qahtani, vu comme le bras droit de "MbS", ont été limogés.

Selon des sources proches des services de sécurité turcs, Khashoggi a été tué par une équipe d'une quinzaine de saoudiens qui ont regagné le jour même leur pays.

D'après le New York Times, qui s'appuie sur des témoignages et des documents, quatre de ces suspects font partie du personnel chargé de la sécurité du prince Mohamed ben Salman.

Le malaise provoqué par la disparition de Khashoggi a gagné le milieu des affaires, poussant de nombreux dirigeants d'entreprises et de banques à annoncer leur retrait du "Davos du désert", une conférence internationale sur l'investissement qui aura lieu du 23 au 25 octobre à Ryad.

La police turque, qui recherche toujours le corps de Khashoggi, a procédé à des fouilles dans une forêt située aux abords d'Istanbul et dans une ville proche de la mer de Marmara, a-t-on appris auprès de responsables turcs. Les procureurs ont pour leur part interrogé une vingtaine d'employés turcs du consulat.

Un représentant saoudien a déclaré ne pas savoir où se trouvait le corps de Khashoggi, qui ne se trouve plus au consulat et a été donné à un "opérateur local".

(avec la contribution de Tuvan Gumrukcu à Ankara, Mohammed Zargham et Eric Beech à Washington, Stephen Kalin à Istanbul, Stine Buch Jacobse à Copenhagen, Marwa Rashad et Hadeel Al Sayegh à Dubaï, Nadine Awadalla et Yousef Saba au Caire; Jeff Mason en Arizona, Belen Carreno à Madrid et Thomas Escritt à Berlin; Jean Terzian et Arthur Connan pour le service français)