Rome s'attend à ce que la Commission rejette son budget 2019

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Rome s'attend a ce que la commission rejette son budget 2019[reuters.com]
(Crédits : Alessandro Bianchi)

par Giuseppe Fonte

ROME (Reuters) - L'Italie s'attend à ce que la Commission européenne rejette son projet de budget 2019 et lui réclame dès mardi une nouvelle version amendée, a déclaré dimanche une source gouvernementale.

Une telle requête serait sans précédent dans l'histoire de la communauté européenne: depuis le renforcement de ses pouvoirs de contrôle budgétaire, en 2013, la Commission n'a jamais demandé à un pays de lui présenter une version révisée de son projet de loi de finances.

Mais le gouvernement italien, qui a transmis la semaine dernière à Bruxelles son projet de loi de finances pour l'année prochaine, est sous le feu de la Commission, qui lui reproche d'aggraver son déficit et d'enfreindre les règles budgétaires de l'UE.

Avec une dette publique à 2.300 milliards d'euros (131% de son PIB), l'Italie est exposée: depuis l'arrivée au pouvoir des contestataires du Mouvement 5 Etoiles (M5S) et de la Ligue (extrême droite), les investisseurs se sont débarrassés de 67 milliards d'euros de bons du Trésor italien et l'écart de taux entre les obligations italiennes et allemandes (le "spread") s'est creusé pour atteindre 3,4 point de pourcentage, du jamais vu en cinq ans et demi.

Rome répondra ce lundi aux demandes de la Commission en expliquant notamment pourquoi le gouvernement veut s'en tenir à son objectif de déficit de 2,4% du PIB - trois fois supérieur à la trajectoire fixée par le gouvernement précédent -, a déclaré dimanche le co-vice-président du Conseil, Luigi Di Maio.

VAINES TENTATIVES DE TRIA ET CONTE

Invité sur la RAI, le chef de file du M5S a ajouté qu'il espérait que les explications italiennes lanceront "une longue discussion qui pourrait amener la Commission à partager les objectifs que nous avons fixés".

Selon cette source gouvernementale, la Commission devrait décider le lendemain de rejeter le projet budgétaire italien et de demander une version amendée. Il n'est toutefois pas certain que l'exécutif européen rendra sa décision publique.

D'après cette même source, le ministre de l'Economie, Giovanni Tria, et le président du Conseil, Giuseppe Conte, - deux personnalités qui ne sont affiliées à aucun pari - ont vainement tenté d'obtenir une réduction de l'objectif de déficit 2019 lors d'un conseil des ministres qui s'est tenu samedi.

Mais cette source n'exclut pas la possibilité qu'un accord en ce sens soit trouvé au cours de la période de négociations de trois semaines qui s'ouvrira à compter du rejet du projet de budget 2019 par la Commission.

A Bruxelles, un porte-parole de la Commission contacté par Reuters a simplement rappelé que l'exécutif européen avait exprimé ses "graves inquiétudes" sur le projet que lui ont remis les autorités italiennes.

MOODY'S DÉGRADE LA DETTE ITALIENNE

Le budget "expansionniste" préparé par le gouvernement italien, qui prône une politique de relance, vise à mettre en oeuvre plusieurs des engagements pris par le M5S et la Ligue lors de la campagne ayant précédé les législatives de mars dernier, comme le "revenu de citoyenneté", l'abaissement de l'âge légal de départ à la retraite ou une amnistie fiscale pour les entrepreneurs indépendants.

Mais l'agence Moody's a dégradé vendredi soir la note de la dette souveraine italienne, qui n'est plus qu'à un cran au-dessus de la catégorie spéculative des "junk bonds".

Moody's explique sa décision par "une dégradation marquée de la solidité budgétaire de l'Italie, avec des objectifs gouvernementaux de déficits budgétaires pour les années à venir supérieurs à ce que Moody's prévoyait auparavant" et par "les conséquences défavorables pour la croissance à moyen terme de l'arrêt des projets de réformes économiques et budgétaires structurelles".

Sur l'antenne de la RAI, Luigi Di Maio a dit espérer que la Commission européenne prendrait en compte les forces de l'économie italienne, comme le faible endettement du secteur privé ou le patrimoine robuste des ménages, deux des raisons pour lesquelles Moody's a assorti sa décision d'une perspective stable inchangée.

"Nous avons compris de nos conversations avec des gens de la BCE ou des marchés, c'est-à-dire des investisseurs, que le 'spread' a bondi parce qu'il existe une inquiétude que notre gouvernement veuille quitter l'euro ou l'Union européenne", a poursuivi Di Maio.

"Je veux dire ici, et il y aura d'autres occasions solennelles de le redire, qu'en tant que gouvernement et parti politique, il n'y a pas de plan B (ndlr, quitter l'Europe) mais simplement un plan A qui vise à changer l'Europe."

"Aussi longtemps que je serai le chef de ce mouvement et un ministre de gouvernement, je garantirai toujours que l'Italie restera dans l'euro et dans l'Europe."

(avec Valentina Za à Milan et Robin Emmott à Bruxelles; Henri-Pierre André pour le service français)