La popularité de Mélenchon entachée par l'épisode des perquisitions

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La popularite de melenchon entachee par l'episode des perquisitions[reuters.com]
(Crédits : Benoit Tessier)

par Julie Carriat

PARIS (Reuters) - Jean-Luc Mélenchon recule dans l'opinion après une semaine d'auditions et perquisitions houleuses à La France insoumise, à l'heure où les condamnations politiques de son comportement vis-à-vis de la justice, de la police et des médias se multiplient.

Le chef de file de LFI, qui n'a eu de cesse de dénoncer une opération de "police politique" lancée contre lui, a demandé vendredi l'annulation de la perquisition menée mardi au siège du mouvement et ses avocats ont sollicité samedi le dessaisissement du procureur dans cette affaire, à la suite d'un article de Mediapart citant des procès-verbaux de perquisition.

Malgré les démentis apportés dans les deux enquêtes le visant, l'une sur des soupçons de surfacturation de la campagne présidentielle et l'autre sur des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen, il voit sa popularité chuter sévèrement.

A 22% de sondés "satisfaits" de son action, il recule de sept points de pourcentage par rapport à septembre dans le baromètre Opinion Way pour LCI réalisé mercredi et jeudi et publié dimanche, et atteint ainsi un plus bas inédit dans ce sondage réalisée depuis 2010.

Si le phénomène perdure, l'ex-candidat à la présidentielle risque donc de voir contrariée son ambition de réaliser un gros score aux élections européennes de mai 2019 et d'en faire un tremplin pour le scrutin présidentiel de 2022.

Jean-Luc Mélenchon a déclaré lundi vouloir tourner la page de cet épisode pour se concentrer à nouveau sur la politique.

"Je vais reprendre la vie normale d'un opposant qui est de s'opposer au pouvoir, et pas de passer son temps dos au mur la baïonette au canon", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée sur son compte Facebook, se disant "content de la contre-offensive".

Mais les enquêtes se poursuivaient lundi, avec notamment une nouvelle audition de Sophia Chikirou, ex-directrice de la communication du mouvement, désormais affectée à la campagne des européennes, déjà entendue dix heures vendredi.

Une troisième procédure, ouverte mercredi par le parquet à l'égard de Jean-Luc Mélenchon pour violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique, suit aussi son cours.

Radio France a pour sa part annoncé samedi porter plainte contre Jean-Luc Mélenchon, au lendemain des propos virulents qu'il a tenus contre les journalistes de la chaîne, des "pitres calomniateurs" selon lui.

"DÉRIVE"

Face à lui à l'Assemblée, le Premier ministre Edouard Philippe s'était dit choqué par la violence des scènes enregistrées lors de cette perquisition avant que la ministre de la Justice Nicole Belloubet ne réaffirme l'indépendance des opérations de police, une défense renouvelée publiquement samedi par la procureure générale de Paris Catherine Champrenaud.

Pour le président du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale, Gilles Le Gendre, l'"épisode" est le signe d'une tendance profonde du groupe LFI :

"Il essaie de se victimiser, il révèle à cette occasion une sorte de caractère et de comportement que les Français commencent à découvrir, que nous nous connaissons", a-t-il déclaré sur BFM TV. "De temps en temps, ça part en vrille, et nous on le constate dans l'hémicycle."

Le président Les Républicains du Sénat, Gérard Larcher, a qualifié pour sa part de "nulle" la réaction de Jean-Luc Mélenchon, tout en s'interrogeant sur la pertinence d'une opération d'une telle ampleur : "Soixante-dix policiers et neuf magistrats, paraît-il ! C'est quand même beaucoup. J'ai cru que c'était les moyens pour un grand narcotrafiquant", a-t-il dimanche sur BFM TV.

Le chef de file des Républicains, Laurent Wauquiez, a condamné samedi dans le Parisien une "dérive" de la part de Jean-Luc Mélenchon, tout en estimant que seule l'opposition était visée par des enquêtes liées à la campagne.

"ON VA REBONDIR", PROMET COQUEREL

"C'est inacceptable de s'en prendre à des magistrats et policiers, et incontestablement une dérive de sa part. Je constate néanmoins que tous les candidats à la présidentielle font l'objet de procédures en justice, sauf un : Emmanuel Macron", dit-il dans un entretien au journal.

Aucune consigne de solidarité ne semble s'imposer à gauche, le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure jugeant par exemple mardi à l'Assemblée, que "la meilleure façon pour lui de se défendre c'est encore de faire passer la justice", tandis que le mouvement de Benoît Hamon, Génération.s, a invité samedi la gauche à défendre la liberté de la presse, dénonçant "la violence des attaques que subissent les journalistes de la part des principaux dirigeants de la France Insoumise".

Manuel Bompard, directeur des campagnes de la France insoumise, a démenti lundi tout retour de bâton, en regrettant cependant des "montées en tension".

"Je ne crois pas que ça se retourne contre lui", a-t-il déclaré sur RFI, estimant qu'il y a eu "un sentiment d'indignation face à quelque chose qui s'apparente à une justice à deux vitesses".

Pour le député LFI Eric Coquerel, rien n'empêche Jean-Luc Mélenchon de passer outre cet épisode. "Nous allons rebondir, pour une bonne raison parce que, un, nous n'avons rien à nous reprocher et deux, on ne se laissera pas abattre comme ça, on en a vu d'autres", a-t-il dit sur Radio Classique.

(Edité par Yves Clarisse)