USA : Les trois scénarios des élections

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PARIS (Reuters) - Trois scénarios sont en concurrence pour les élections américaines de mi-mandat du 6 novembre prochain qui, de l'avis des analystes, vont se transformer en un référendum pour ou contre Donald Trump et le style qu'il impose depuis son investiture en janvier 2017.

Le scénario qui a la faveur de presque tous les modèles de projections électorales accorde au Parti démocrate une victoire à la Chambre des représentants et un maintien de la majorité républicaine au Sénat.

Pour obtenir la majorité absolue à la chambre basse du Congrès, dont les 435 sièges sont entièrement renouvelés, les démocrates doivent gagner 23 sièges. Les projections actuelles leur accordent un gain net moyen d'une trentaine d'élus.

Le résultat n'est considéré comme incertain que dans 69 circonscriptions, dont 63 sont détenues par des républicains.

Il suffirait donc aux démocrates de remporter un tiers de ces circonscriptions dites "compétitives" pour réussir leur pari et la majorité (soit au moins 218 sièges) sera déterminée par 16% du corps électoral.

Au Sénat, les républicains devraient conserver leur majorité actuelle (51 sénateurs sur 100) voire l'accroître légèrement d'un ou deux sièges. La raison: parmi les 35 sièges à renouveler (33 selon la rotation et deux élections spéciales dans le Mississippi et le Minnesota), 26 sont démocrates et neuf sont républicains.

Pour remporter la majorité à la chambre haute, les démocrates devraient conserver leurs 26 sièges, ce qui est pratiquement impossible compte tenu de la coloration partisane des Etats (cinq ont voté de manière écrasante pour Trump en 2016), et en gagner deux supplémentaires.

PREMIER SCÉNARIO: LE CONGRÈS RESTE RÉPUBLICAIN

Les républicains conservent leur majorité à la Chambre des représentants et au Sénat. C'est le souhait de Donald Trump qui a dès lors les mains libres et poursuit la politique qu'il mène depuis deux ans. Cela se traduit probablement par une intensification de la guerre commerciale avec l'Europe et la Chine.

Sur le plan intérieur, les démocrates continuent à faire de la résistance mais Trump s'est débarrassé de plusieurs sénateurs qui le critiquaient et le Congrès lui est encore plus favorable. Il n'a aucune opposition pour préparer 2020.

Il lui est alors facile:

1) de mettre fin à certaines affaires comme l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l'ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016;

2) d'accorder un pardon à son ancien conseiller Paul Manafort qui a plaidé coupable d'association de malfaiteurs contre les Etats-Unis et d'entrave à la justice dans le cadre de cette enquête;

3) de limoger le numéro 2 du département de la Justice Rod Rosenstein qui a, selon le New York Times, envisagé un temps de recourir au 25e amendement régissant l'incapacité du chef de l'Etat contre Donald Trump.

DEUXIÈME SCÉNARIO: LE SÉNAT RESTE RÉPUBLICAIN,

LA CHAMBRE DEVIENT DÉMOCRATE

Les républicains perdent la Chambre des représentants et conservent le Sénat. Il s'agit du résultat le plus probable, si l'on en croit les modèles de projections des différents instituts de sondage.

Tout dépend alors de l'ampleur de la victoire démocrate et surtout de l'orientation politique du parti avec l'arrivée de nombreux novices, souvent proches de la ligne progressiste de Bernie Sanders et désignés par des électeurs animés par un fort sentiment anti-Trump.

Pour le président, les conséquences sont de plusieurs ordres, notamment en ce qui concerne les affaires qui le poursuivent depuis son investiture, dont l'enquête russe, mais aussi la déconstruction de l'Obamacare ou encore la politique migratoire et le financement du mur sur la frontière mexicaine.

Se poserait aussi la question de la publication de la feuille d'impôt de Donald Trump, une pratique observée par ses prédécesseurs à laquelle il a refusé de se soumettre.

Les récentes révélations de la presse sur la fraude fiscale organisée par Fred Trump qui a permis à son fils de récupérer quelque 400 millions de dollars viennent contredire le mythe du self made man qui aurait bâti seul sa fortune actuelle.

En cas de succès démocrate, la commission des Ways and Means, chargée notamment des questions liées à la fiscalité, pourrait être présidée par Bill Pascrell (New Jersey) dont le cheval de bataille est la publication des déclarations fiscales de Donald Trump.

L'autre action en commission concernerait probablement une procédure de destitution (impeachment), sujet dont on parle depuis l'investiture de Trump, puisque c'est la chambre qui vote l'acte d'accusation contre le président.

Cette procédure ressemble à un piège dans lequel les démocrates craignent de tomber car le procès est conduit par le président de la Cour suprême devant le Sénat avec l'obligation d'obtenir une majorité des deux tiers.

L'autre option, plus probable, serait une guérilla parlementaire, en particulier dans l'affaire russe. Pour l'instant la commission du Renseignement est présidée par David Nunez (Californie) qui est un fidèle de Donald Trump. Son remplacement pourrait conduire à un élargissement de la procédure en parallèle à l'enquête du procureur Mueller.

L'enjeu sera, dans ce cas de figure, de déterminer quel niveau de compromis la Maison blanche et la chambre sont capables de trouver dans un contexte de polarisation extrême voulue par Donald Trump dans l'optique de la présidentielle de 2020.

L'esprit bipartisan de conciliation qu'incarnait John McCain, décédé cet été, prend la forme d'un point d'interrogation.

Le vote du budget sera un moment sensible avec un risque de "shutdown" qui reste limité pour 2019 puisqu'un accord budgétaire partiel de plus de 850 milliards de dollars a été conclu le 26 septembre.

Trump a accepté de le ratifier bien que les crédits pour son mur avec le Mexique n'aient pas été prévus. L'administration devrait en théorie continuer à fonctionner.

En revanche, les pouvoirs présidentiels seraient limités pour la négociation de traités qui doivent être ratifiés par le pouvoir législatif, ce qui est un handicap dans une stratégie de bilatéralisme.

Trump ne pourrait plus mettre en place de taxations (comme les droits de douane) car les questions budgétaires relèvent du Congrès et la guerre commerciale dépendrait alors du soutien des démocrates.

Il est possible qu'à l'approche de la présidentielle, Donald Trump insiste pour obtenir le financement de son mur (dont le coût est estimé entre 13 et 17 milliards de dollars) et menace les démocrates de ne pas ratifier le budget pour 2020.

Le danger est celui d'une paralysie institutionnelle qui ferait apparaître les démocrates comme le parti du "non" et de l'obstruction, un thème de campagne que Trump ne manquerait pas d'exploiter.

S'ils remportent la Chambre des représentants, étape qu'ils considèrent comme essentielle dans la reconquête du pouvoir, les démocrates ne peuvent pas se présenter dans deux ans avec un bilan législatif nul.

TROISIÈME SCÉNARIO: LE CONGRÈS DEVIENT DÉMOCRATE

Les démocrates remportent la Chambre des représentants et le Sénat et Donald Trump se trouve dans la même position que Barack Obama. Il devient principalement une entité d'enregistrement des textes de loi qui sont adoptés par le Congrès tout en conservant un veto par lequel il empêche l'application de ces textes.

Chaque loi doit alors faire l'objet de négociations car les démocrates ne disposent pas de la majorité des deux tiers pour surmonter le veto présidentiel.

Donald Trump ne peut plus gouverner que par décrets, donc par des textes dont la durée est temporaire, en espérant que le Congrès qui sera élu en 2020 sera prêt à transformer ces ordres exécutifs en textes législatifs.

(Pierre Sérisier pour le service français; édité par Jean-Stéphane Brosse)