USA : Le Sénat, bastion des républicains

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Le senat, bastion des republicains[reuters.com]
(Crédits : Aaron Bernstein)

PARIS (Reuters) - Alors que la Chambre des représentants et le Sénat s'orientent vers des directions opposées lors des élections de mi-mandat, le 6 novembre, la chambre haute du Congrès des Etats-Unis pourrait se transformer en un bastion imprenable pour le Parti démocrate en raison d'une évolution de la géographie politique américaine.

Les projections des instituts de sondage donnent dans leur ensemble une victoire probable des démocrates à la chambre mais un maintien, voire un renforcement, de la majorité républicaine au Sénat.

Cette tendance tient en premier lieu au fait que ces élections de mi-mandat favorisent traditionnellement le Grand Old Party pour plusieurs raisons.

L'électorat démocrate, plus jeune, plus urbain, plus soutenu par les minorités, se mobilise peu lors de ce type d'échéance.

L'électorat républicain est plus âgé, plus "blanc" et réparti de manière plus homogène sur l'ensemble du territoire, ce qui lui donne un avantage mécanique d'une vingtaine de représentants, quel que soit le découpage électoral, explique Vincent Michelot, spécialiste de la politique américaine.

Par son mode de désignation (deux sénateurs par Etat sans critère démographique), le Sénat est plus représentatif des Etats ruraux et peu peuplés tandis que la Chambre représente mieux les zones urbaines (le nombre de représentants par Etat est proportionnel à sa population).

Le Sénat est conçu en effet pour offrir à ces "petits" Etats une présence accrue à Washington et une défense de leurs intérêts face à ceux des grandes mégapoles comme New York, Los Angeles ou Chicago.

"Cela constitue désormais un vrai casse-tête pour les démocrates car s'ils ne peuvent plus gagner ces Etats ruraux, qui ne sont pas représentatifs de la population, que doivent-ils faire en 2020 ou 2022 car le gouffre va aller en s'accroissant ?" s'interroge le journaliste Alexander Burns du New York Times.

Ce phénomène est accentué par la perte d'influence des démocrates dans les institutions de ces Etats (environ 900 sièges entre 2009 et 2016) où ils sont dans une situation d'atrophie et ne peuvent plus faire émerger des figures locales.

TURBULENCES POLITIQUES PRÉVISIBLES

Ces élections de mi-mandat assurent également le renouvellement de 36 des 50 gouverneurs et de 87 des 99 législatures, les parlements des Etats fédérés.

Ces scrutins, bien que moins médiatisés, ont une importance capitale car dans 29 Etats, un redécoupage électoral va avoir lieu qui déterminera la carte électorale pour la Chambre des représentants en 2022.

"Il peut y avoir une vague bleue sur la chambre mais sans que cela affecte le Sénat. La composition de chaque assemblée dit comment elle est conçue pour représenter le pays", ajoute Alexander Burns. "Cela dit quelque chose sur la division que vivent les Etats-Unis et dans la période Trump, ces deux communautés ne vivent pas dans le même monde."

La conséquence d'une telle fracture de l'électorat, exprimée par une coloration différente des deux assemblées du Congrès, est une potentielle paralysie institutionnelle.

Cette division du Congrès a prévalu entre janvier 1981 et janvier 1987, pendant les premières années de la présidence de Ronald Reagan, pendant une brève période entre juin 2001 et janvier 2003 et, plus récemment, entre janvier 2011 et janvier 2015 - lorsque le Congrès bascule totalement du côté républicain.

"Ce sont des Congrès particulièrement improductifs car ce que fait un camp dans une chambre est défait par l'autre dans la seconde chambre ou se heurte au veto présidentiel", précise Vincent Michelot.

A plus long terme, cette situation pose la question de la représentativité du Sénat, sachant que cette assemblée possède des pouvoirs très étendus avec la nomination des juges à la Cour suprême ou l'impeachment du chef de l'Etat.

"On peut s'attendre dans les années à venir à d'énormes turbulences politiques, estime Alexander Burns, si les démocrates enregistrent de bons résultats dans les élections nationales et des gouverneurs mais ne peuvent plus contrôler le Sénat en raison de son mode désignation".

(Pierre Sérisier pour le service français; édité par Henri-Pierre André)