Paris campe sur sa position sur la vente d'armes à Ryad

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Paris campe sur sa position sur la vente d'armes a ryad[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - La France, invitée par Berlin à suspendre ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite tant que la lumière sur la mort du journaliste Jamal Khashoggi ne sera pas faite, a botté en touche lundi en vantant "sa stricte politique de contrôle" en la matière.

Reconnue par Ryad, la mort du journaliste dans le consulat d'Arabie saoudite à Istanbul le 2 octobre a soulevé une vague d'émotion internationale tout en suscitant l'embarras des partenaires du royaume, au premier rang desquels les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni.

Sa disparition a en outre relancé le débat - régulier depuis le début du conflit au Yémen dans lequel l'Arabie saoudite est impliquée militairement - sur une suspension de la vente d'armes au royaume wahhabite, une demande de longue date des ONG et des défenseurs des droits de l'homme.

Au Canada, le Premier ministre Justin Trudeau n'a pas exclu dimanche l'annulation d'un contrat de près de 10 milliards d'euros pour la vente à Ryad de véhicules blindés légers.

L'Allemagne, qui a approuvé cette année l'exportation de plus de 400 millions d'euros d'armements vers l'Arabie saoudite, a quant à elle annoncé la suspension des exportations d'armes, jugeant que celles-ci ne pouvaient "avoir lieu dans les circonstances actuelles".

Le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, a renchéri lundi en invitant les partenaires européens de Berlin à lui emboîter le pas pour accentuer la pression sur Ryad.

Interrogé à ce sujet lundi, le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay a répondu : "Notre politique de contrôle des ventes d'armement est stricte et repose sur une analyse au cas par cas, dans le cadre de la Commission interministérielle pour l'exportation de matériels de guerre."

"Les exportations d'armement à l'Arabie saoudite sont examinées dans ce cadre", a-t-il dit lors d'un point presse électronique.

"NE PAS PERDRE MBS"

Ces déclarations s'inscrivent dans la ligne observée par l'exécutif depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, qui a noué une relation personnelle mais complexe avec le nouvel homme fort du royaume, le prince héritier Mohammed Ben Salman, surnommé "MBS".

En marge d'un déplacement en Arménie le 12 octobre dernier, le chef de l'Etat avait également défendu la "politique extrêmement rigoureuse" de son pays en matière de contrôle des exportations de matériel de guerre.

"Nous ne faisons pas partie des fournisseurs sur ces matières-là de l'Arabie saoudite" sur le conflit au Yémen, avait-il dit sur France 24 et RFI. "Maintenant, il faut être clair, nous avons avec l'Arabie saoudite et les Emirats arabes un partenariat de confiance dans la région qui n'est pas commercial mais stratégique".

La situation est délicate pour la France, qui a scellé avec l'Arabie saoudite pour plusieurs milliards d'euros de contrats ces dernières années. Selon un rapport parlementaire publié en juin, l'Arabie saoudite a été sur la période 2008-2017 le deuxième client de la France en matière d'armement, avec plus de 11 milliards d'euros de contrats.

"Une perte d'influence dans la région nous coûterait beaucoup plus cher que l'absence de vente d'armes", tempère un membre du gouvernement.

Il s'agit avant tout "de ne pas perdre 'MBS' même s'il n'est bien sûr pas un enfant de choeur", ajoute-t-il. "Si l'Arabie saoudite est déstabilisée, on aura des problèmes d'une tout autre ampleur".

Prudente, la France a toutefois annoncé cette semaine l'annulation de la participation du ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire au "Davos du désert". Le déplacement d'Emmanuel Macron en Arabie saoudite, initialement prévu pour la fin de l'année, a quant à lui été reporté à 2019.

(Marine Pennetier, John Irish et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)