Midterms aux USA : Des élections polarisées jusqu'au "tribalisme"

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Midterms aux usa: des elections polarisees jusqu'au tribalisme[reuters.com]
(Crédits : Carlos Barria)

PARIS (Reuters) - En décembre 2016, l'hebdomadaire Time désignait Donald Trump personnalité de l'année, le qualifiant de "président des Etats divisés d'Amérique" et signalant dès cette date une polarisation de l'opinion publique qui a depuis mué en "tribalisme".

L'homme d'affaires, devenu candidat du Parti républicain au terme de primaires d'une inhabituelle virulence, n'a jamais été un animal politique mais il a joué de son caractère inclassable, d'abord pour dérouter les rivaux de son camp, ensuite pour diviser profondément et durablement la population américaine.

Les positions entre les électeurs républicains et démocrates semblent si irréconciliable que c'est l'esprit bipartisan de compromis et de négociation, voulu par les pères fondateurs, qui est apparaît menacé.

Un indicateur symbolique de cette division des Etats-Unis peut se mesurer en suivant la côte de popularité du président américain. Depuis l'inversion des courbes en février 2017 (deux semaines après son investiture), Donald Trump bénéficie d'une remarquable stabilité d'opinions favorables, entre 38 et 42%, tandis que les opinions défavorables oscillent autour de 52%.

Les deux courbes sont en fait des droites, il n'y a aucun décrochage quels que soient les événements qui le touchent, les révélations qui sont faites sur son train de vie ou son passé.

"Chaque fois que Trump est attaqué, ses électeurs se sentent eux-mêmes attaqués. Ils estiment que ce sont leurs droits qui son attaqués et ils font bloc", explique Jean-Eric Branaa, maître de conférence à Paris II-Assas.

EN PERMANENCE SUR LE QUI-VIVE

"N'étant pas un homme politique, il se moque des dégâts collatéraux que ses propos ou ses actions peuvent causer. Il a réussi à polariser son camp et le camp démocrate en les maintenant dans un qui-vive permanent. Il entretient l'impatience et ne laisse jamais le temps à la déception de s'installer", ajoute Jean-Eric Branaa.

Dépourvu de "philosophie politique", Donald Trump a sans effort repris le programme du Parti républicain lorsqu'il est devenu clair qu'il allait remporter les primaires du Grand Old Party. Ce faisant, il s'est assuré d'une base électorale solide et fidèle à laquelle il ne parle jamais de politique mais qu'il nourrit d'éléments factuels.

"Cette base se moque de savoir qui est Trump en tant qu'individu tant qu'il lui donne ce qu'il a promis dans son discours d'investiture: un nouveau rêve américain fondé sur la prospérité et sur la paix", remarque Jean-Eric Branaa.

Or, pour l'instant, les chiffres lui donnent raison. Le chômage est au plus bas depuis 1969 à 3,7% de la population active, ce qui signifie une situation de plein emploi, tandis que la croissance pour 2018 devrait dépasser les 4%.

Concernant la paix, il peut se targuer de progrès fans le dossier nord-coréen en attendant de voir les effets produits par le rétablissement des sanctions économiques contre l'Iran.

Quant aux bras de fer commerciaux, il a réussi à faire fléchir le Mexique et le Canada dans la renégociation de l'Aléna (l'Accord de libre-échange nord-atlantique) et il poursuit son agenda face à la Chine tout en observant une pause face aux Européens.

"Sur la scène internationale, il donne à ses électeurs le sentiment que le respect dû aux Etats-Unis est revenu à son plus haut niveau. Le retrait de certaines arènes internationales (Unesco, Unrwa, etc.) est présenté comme la fin de l'époque où les Américains faisaient des chèques pour des gens qui ne les respectaient pas", poursuit Jean-Eric Branaa.

TRUMP EST INAUDIBLE POUR LES DÉMOCRATES

S'il est soutenu avec ferveur par une large partie de son camp, Donald Trump est devenu inaudible pour le camp adverse qui considère toutes ses déclarations comme sujettes à caution quand elles ne sont pas taxées de mensonges.

Un sondage de l'institut Gallup réalisé en juillet pour le New York Times montrait que 77% des républicains estimaient que l'état de l'économie américaine était excellent ou bon, contre 36% des démocrates.

Un autre sondage de l'institut SurveyMonkey estimait que 76% des républicains s'attendaient à ce que 2019 soit une bonne année économique contre 12% des démocrates.

"En termes électoraux, la situation économique n'est pas une réalité mathématique mais une question de ressenti. Cette embellie économique a marqué une baisse du chômage mais pas une hausse des salaires", note Vincent Michelot, spécialiste des Etats-Unis.

"La stagnation des salaires, poursuit-il, a créé une forme d'insatisfaction et environ 17% des Américains estiment ne pas être employés à leur niveau de qualification."

"On sous-estime la coloration politique de l'économie. La réalité économique est excellente mais la perception partisane empêche un ralliement électoral. En clair, pour les démocrates, Trump dit tellement de mensonges qu'on ne peut plus le croire sur quoi que ce soit", insiste Vincent Michelot.

(Pierre Sérisier pour le service français, édité par Henri-Pierre André)