Prison requise à Gap pour sept pro-migrants

reuters.com  |   |  663  mots

GAP (Hautes-Alpes) (Reuters) - Des peines de prison ont été requises à l'encontre de sept personnes qui ont comparu jeudi devant le tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes) pour avoir aidé des migrants à franchir la frontière franco-italienne au mois d'avril.

Les prévenus sont accusés d'avoir facilité l'entrée irrégulière en France d'une vingtaine d'étrangers par le franchissement de la frontière italo-française au-dessus de Briançon, le 22 avril dernier, lors d'une marche en réaction au blocage, la veille, d'un col frontalier par des membres de Génération identitaire, un groupuscule d'extrême-droite hostile à l'arrivée de migrants.

"Ce qui s'est passé à la frontière, ce n'est pas une marche solidaire pacifique. C'était 'open bar', on passe. Et au final, c'était un passage en force de migrants", a affirmé le procureur Raphaël Balland.

Il a requis 12 mois d'emprisonnement, dont huit avec sursis, à l'encontre de deux prévenus, pour des faits de violence et rébellion envers les forces de l'ordre. Les cinq autres accusés ont écopé de six mois de prison avec sursis.

Tout au long de ses réquisitions, le procureur a réfuté l'existence d'une "délinquance solidaire" qui reviendrait à assimiler, selon lui, l'aide irrégulière à l'entrée sur le territoire à une aide humanitaire.

"Si le gouvernement français estime qu'il faut des règles précises pour entrer sur le territoire, les forces de l'ordre doivent les faire appliquer", a-t-il dit.

Tout au long d'une audience marathon, le tribunal a veillé à ne pas se laisser entraîner sur le chemin d'un "procès politique" revendiqué par les accusés.

"On n'est pas là pour faire un débat de société, on n'est pas ici pour faire un débat sur le droit des étrangers", a souligné la présidente Isabelle Defarges en réponse à un témoin de la défense qui évoquait la situation globale d'un "esprit de solidarité" nécessaire "pour tous les migrants".

"PESTE BRUNE"

"C'est vous qui avez voulu faire de ce procès un procès symbolique", a-t-elle lancé aux avocats de la défense.

Ce dont ne se sont pas privés de faire les prévenus.

"C'est avant tout une manifestation au cours de laquelle on a exprimé nos idéaux", a résumé le Belgo-Suisse Théo Buckmaster, 24 ans, réfutant les "allégations de la cour" et le "musèlement" à la barre dont il se dit l'objet.

Son ami d'enfance, le Suisse Bastien Stauffer, s'est aussi évertué à dénoncer la "situation déplorable qui (nous) donne raison de lutter contre les injustices". Il a nié le fait d'avoir forcé le barrage policier à Montgenèvre, ce qui aurait permis aux migrants de franchir la frontière.

Les autres accusés s'en sont pris à la "systématisation des violences policières contre les étrangers", à la "défaillance de l'Etat" dans (sa) politique migratoire, à la "parade impunie des identitaires" et à la "peste brune" qui a envahi la montagne, à la "militarisation de la frontière" ou encore au "danger imminent" auquel seraient confrontés les migrants qui la traversent.

"Ce n'est pas le procès de la solidarité mais le procès de ceux qui sont contre les frontières", a affirmé le ministère public.

L'Italienne Eleonora Laterza, 27 ans, ne s'est pas présentée à l'audience. Avec Bastien Stauffer, 26 ans, et le Belgo-suisse Théo Buckmaster, 24 ans, elle avait été remise en liberté, le 3 mai, après deux semaines d'incarcération sous contrôle judiciaire strict, un contrôle finalement levé dans l'attente de l'audience sur le fond de l'affaire.

"Il n'était pas question pour elle de faire passer des migrants. Elle fait partie de ceux qui se sont émus parce que les identitaires ont mis leur drapeau sur un bien commun", a dit son avocat, Me Philippe Chaudon.

Le tribunal devrait mettre son jugement en délibéré au terme des débats.

(Jean-François Rosnoblet, édité par Eric Faye)