Rome s'accroche aux "piliers" de son budget face à Bruxelles

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Rome s'en tient aux piliers de son budget face a bruxelles[reuters.com]
(Crédits : Stefano Rellandini)

par Giuseppe Fonte et Anne Kauranen

ROME/HELSINKI (Reuters) - Le gouvernement italien à réaffirmé vendredi les grandes lignes de son budget 2019, à quatre jours de la date butoir fixée par la Commission européenne pour modifier un projet qu'elle juge trop optimiste, un désaccord qui pourrait conduire Bruxelles à sanctionner Rome.

Luigi Di Maio, l'un des deux vice-présidents du Conseil italien, et le ministre de l'Economie, Giovanni Tria, se sont dits déterminés à respecter l'objectif d'un déficit de 2,4% du produit intérieur brut (PIB) l'année prochaine.

Mais la Commission, qui a donné à l'Italie jusqu'à mardi pour présenter un nouveau projet de budget, s'attend à ce que le déficit monte à 2,9% du PIB et à ce que le déficit structurel (calculé en excluant les éléments exceptionnels et l'impact du cycle économique) atteigne 3%.

Pour respecter les règles fixées par Bruxelles, Rome devrait réduire son déficit structurel à 1,2% l'an prochain puis le ramener progressivement à l'équilibre.

Lors d'une audition au Parlement vendredi, Giovanni Tria a déclaré que le gouvernement était "occupé à rédiger la réponse à la Commission européenne concernant les principaux points de contentieux du budget".

Mais Rome confirmera ses "principaux piliers", a-t-il ajouté, expliquant que le ralentissement de l'économie ne faisait qu'accroître la nécessité de mesures de soutien à l'activité.

UN DÉFICIT À 0,8% SERAIT UN "SUICIDE ÉCONOMIQUE", DIT TRIA

Un peu plus tard, à l'occasion d'une rencontre avec le président de l'Eurogroupe, Mario Centeno, il a estimé que ramener le déficit budgétaire à 0,8% du PIB comme l'avait promis le gouvernement précédent serait "un suicide économique", ajoutant: "Je ne pense pas que ce soit ce que veut l'UE".

Le projet de budget initial présenté par Rome a été rejeté le mois dernier par la Commission européenne, qui critique la remise en cause de la promesse du gouvernement et juge que le texte ne garantit pas une diminution de la dette publique, la deuxième de la zone euro rapportée à la taille de l'économie nationale à plus de 130% du PIB.

A Helsinki, Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission en charge de l'euro, a réaffirmé que la Commission envisageait d'ouvrir une procédure pour déficit excessif contre l'Italie si Rome ne modifiait pas son budget.

Il a ajouté que pour l'exécutif communautaire, les calculs budgétaires de Rome sont fondés sur "des hypothèses excessivement optimistes".

"Fondamentalement, l'hypothèse est que s'ils (...) augmentent les dépenses publiques, cela stimulera l'économie et par conséquent aidera à réduire le déficit budgétaire. Nous pensons que cela ne se matérialisera pas", a-t-il dit.

REGAIN DE TENSION SUR LES MARCHÉS

Les tensions entre Rome et Bruxelles restent source de tension sur les marchés financiers: après les déclarations de Giovanni Tria, le rendement des emprunts d'Etat italiens à dix ans est monté à 3,46%, son plus haut niveau depuis plus d'une semaine, avant de revenir à 3,40% en fin de séance. L'écart de rendement avec le Bund allemand de même échéance avoisinait alors 300 points de base.

La Bourse de Milan a quant à elle fini en baisse de 0,88%, l'un des replis les plus marqués du jour en Europe.

Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 Etoiles (M5S), l'un des deux partis de la coalition gouvernementale, a prédit que la pression des marchés diminuerait quand les investisseurs réaliseront que le gouvernement est déterminé à limiter le déficit à 2,4% du PIB.

Mais il n'a donné aucune indication laissant entendre que le projet de budget serait modifié d'ici mardi.

Prié de dire si l'Italie était prête à payer d'éventuelles pénalités infligées par Bruxelles pour non-respect des règles budgétaires, il a répondu que "les traités doivent être honorés" mais a ajouté ne pas s'attendre à des amendes et croire à un compromis avec les autorités européennes.

Giovanni Tria a pour sa part estimé que l'ouverture d'une procédure de sanctions n'était "pas acquise" et Mario Centeno a assuré que des sanctions visant Rome n'étaient "pas à l'ordre du jour de l'Eurogroupe pour l'instant".

"Dans les règles ou au-delà des règles, ce qui compte, la soutenabilité des finances publiques", a-t-il ajouté.

La Banque d'Italie, de son côté, a dit espérer un accord tout en jugeant "ambitieuses" les hypothèses de croissance du gouvernement.

Elle a souligné que la hausse des coûts de financement du Trésor risquait d'annuler l'effet bénéfique des mesures de relance inscrites au budget.

"J'espère une solution qui conjuguera le respect par l'Italie des règles qui s'imposent à elle en tant que membre de l'union monétaire (...) et les objectifs politiques du gouvernement et du Parlement", a dit Luigi Federico Signorini, directeur général adjoint de la banque centrale nationale, devant des députés.

(Avec Gavin Jones et Giulia Segreti, Blandine Hénault et Marc Angrand pour le service français)