La CEDH condamne la Russie pour le traitement de Navalny

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(Crédits : Vincent Kessler)

STRASBOURG (Reuters) - La Cour européenne des droits de l'homme a reconnu jeudi le caractère politique des poursuites engagées à plusieurs reprises contre Alexeï Navalny, l'un des principaux opposants russes à Vladimir Poutine et figure de proue de la lutte anti-corruption.

La grande chambre de la Cour de Strasbourg, dont les arrêts sont définitifs, a par ailleurs confirmé le jugement de première instance en condamnant la Russie pour violation du droit de réunion, détention arbitraire et procès inéquitable concernant son interpellation lors de sept manifestations entre 2012 et 2014 et pour six des sept condamnations dont il a fait l'objet.

Elle conclut en outre, par 14 voix contre trois, à une violation de l'article 18 de la Convention européenne des droits de l'Homme, très rarement reconnue, en constatant que la loi a été appliquée à d'autres fins que celles pour lesquelles elle était prévue, à savoir des fins politiques.

Les juges notent qu'Alexeï Navalny a été spécifiquement ciblé lors des manifestations en cause, même lorsqu'il n'y jouait pas un rôle majeur.

Elle estime "établi au-delà de tout doute raisonnable que les restrictions dont M. Navalny a fait l'objet (au cours de deux d'entre elles) poursuivaient un but inavoué, à savoir celui d'étouffer le pluralisme politique, qui est un attribut du régime politique véritablement démocratique encadré par la prééminence du droit, deux notions auxquelles renvoie le Préambule de la Convention".

L'avocat de 42 ans, qui avait pu venir à Strasbourg après s'être d'abord vu interdire une sortie de Russie, s'est félicité de cette reconnaissance.

"C'est un jugement très équitable (...) qui est très important, non seulement pour moi mais aussi pour tous ceux qui sont arrêtés chaque jour à travers la Russie", a-t-il dit en anglais à des journalistes.

La Cour estime par ailleurs que l'interdiction des manifestations litigieuses, qui avait justifié les arrestations, n'était pas légitime.

"Les rassemblements en question ont tous été dispersés alors qu'ils n'avaient causé aucun trouble. Or la Cour attend des gouvernements qu'ils fassent preuve d'une certaine tolérance à l'égard des rassemblements pacifiques, quand bien même ils n'auraient pas été autorisés", dit-elle.

La Russie est condamnée à verser à l'opposant 50.000 euros au titre du dommage moral et 1.025 euros pour dommage matériel.

Alexeï Navalny, qui souhaitait défier Vladimir Poutine lors de l'élection présidentielle de mars 2018, avait été déclaré inéligible en raison d'une condamnation pour détournement de fonds à l'issue d'un procès en appel en février dernier.

Son procès en première instance a été jugé inéquitable par la Cour de Strasbourg, qui n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur le second.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)