Les syndicats radicaux de la SNCF en danger

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Les syndicats radicaux de la sncf en danger[reuters.com]
(Crédits : Christian Hartmann)

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - La bataille fait rage entre les syndicats de cheminots à l'approche des élections professionnelles à la SNCF, qui pourraient se traduire par un affaiblissement du front radical CGT/Sud-Rail au profit d'une montée des syndicats réformistes.

Les élections professionnelles du 16 au 22 novembre, qui permettront de nommer pour quatre ans les membres des CSE (Conseil social et économique) du groupe ferroviaire, pourraient donc entraîner un changement de ton crucial avec la direction.

Au coeur des enjeux, on trouve la nouvelle convention collective d'entreprise prévue par la réforme de la SNCF qui a autorisé l'ouverture à la concurrence et la fin des embauches au statut des cheminots à l'issue du long bras de fer du printemps.

Sud-Rail est particulièrement inquiet à l'idée de voir le bloc "dur" qu'il forme avec la CGT perdre de l'influence.

"Ça permettait à la direction de ne plus avoir en face d'elle deux organisations syndicales qui, toutes seules, peuvent frapper d'opposition n'importe quel accord qui viendrait à sortir", a déclaré à Reuters son secrétaire fédéral, Erik Meyer, soit de "s'offrir un horizon plus dégagé".

La CGT et Sud-Rail, respectivement première et troisième organisation syndicale, représentent ensemble 51,16% du collège électoral, ce qui leur permet, en retirant les organisations non représentatives, comme FO, de la pondération, de s'opposer aux accords négociés avec l'entreprise.

L'Unsa Ferroviaire et la CFDT, deuxième et quatrième syndicat, représentent, ensemble, 39% des voix.

UNE BAISSE CONTINUE

Or la CGT, pour qui la SNCF est un bastion historique, ne cesse de perdre des voix aux élections professionnelles, passant de 40,96% en 2004 à 34,33% en 2015. Sud-Rail, qui avait progressé en 2009 et 2011, récupérant des votes de la CGT, est passée de 17,38% à 16,83% entre 2011 et 2015.

Erik Meyer estime que depuis les dernières élections professionnelles de 2015, la SNCF a supprimé 10.000 postes de cheminots qui se trouvaient principalement dans l'exécution, la base de leur électorat.

Il est par ailleurs difficile de dire si la grève unitaire de 36 jours qui s'est étalée sur trois mois au printemps pour s'opposer à la réforme de la SNCF servira ou non leurs intérêts.

"Avec le conflit, ils avaient fait le pari de faire reculer la direction, pari qui a échoué. Et ils risquent d'être sanctionnés dans les urnes", a déclaré à Reuters Jean-Dominique Simonpoli, directeur de l'association Dialogues et ancien responsable de la CGT. "En même temps, il y a une possibilité de progresser car il y a toujours un mécontentement".

Le président du directoire de la SNCF, Guillaume Pepy, a promis en octobre des changements majeurs dans l'entreprise : réductions de coûts pour être "prêt à affronter la concurrence" d'ici 2020, remise à plat de l'organisation du travail au niveau local, polyvalence accrue et plan de formation des salariés pour faire face à la digitalisation.

La nouvelle convention collective de branche qui doit définir la protection sociale des salariés dans tout le secteur, la rémunération et les garanties sociales en cas de transfert de salariés vers un concurrent, doit aussi aboutir d'ici 2020.

Le poids de représentation pour cette négociation a déjà été fixé en mars 2018, précise-t-on à l'Unsa Ferroviaire. Il ne devrait pas changer d'ici 2022. Mais les négociations seront sensibles à tout changement de ton à la SNCF.

DES POSITIONS TRANCHÉES

Face à ces défis, chaque syndicat se positionne. La CGT réclame l'abrogation des dispositions législatives du "pacte ferroviaire" et le vote d'une nouvelle loi pour rétablir le statut de la SNCF et maintenir le statut des cheminots.

Pour le secrétaire général de l'Unsa Ferroviaire, Roger Dillensenger, il faut à l'inverse "s'inscrire dans la construction de l'avenir".

"L'ouverture à la concurrence aujourd'hui c'est un texte légal qui s'applique (...). Continuer de demander aux cheminots de se battre contre un texte légal, c'est un combat d'arrière-garde", dit-il à Reuters.

La CFDT dit pour sa part vouloir défendre un "nouveau dialogue social", "plus productif", à l'image de celui du secteur privé, où les "conventions collectives et accords d'entreprises priment sur les décisions gouvernementales".

Pour son secrétaire général, Didier Aubert, on ne peut pas réclamer le même statut pour les nouveaux entrants car "les revendications des jeunes ne sont pas les mêmes qu'hier".

Sud-Rail met en garde contre ce genre de discours, estimant que voter pour les syndicats réformistes permettra à la direction de "signer un maximum de régression sociale".

Mais ce n'est pas pour autant que les grèves et manifestations sont révolues à la SNCF.

"Certes, l'Unsa et la CFDT sont traditionnellement plus conciliants. Il n'empêche qu'ils défendaient un socle de revendications relativement nourris", explique Stéphane Sirot, professeur de politique sociale à Cergy-Pontoise.

"Ce sera compliqué, y compris pour ces syndicats dits réformistes, de sortir d'une négociation sans avoir satisfaction sur le socle minimal qu'elles avaient envisagé."

(Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)