Menacée d'un vote de censure, May nomme un nouveau ministre du Brexit

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Brexit: theresa may lutte pour sa survie politique[reuters.com]
(Crédits : Peter Nicholls)

par Costas Pitas et Alistair Smout

LONDRES (Reuters) - La Première ministre britannique Theresa May, qui lutte pour sa survie politique face à la crise provoquée par l'accord de Brexit qu'elle a négocié avec Bruxelles, a nommé vendredi un partisan de la sortie de l'Union européenne pour le poste de secrétaire au Brexit.

Le choix de Stephen Barclay pour succéder au démissionnaire Dominic Raab, lui aussi partisan du Brexit, apparaît comme un signal envoyé aux élus eurosceptiques conservateurs qui brandissent la menace d'une motion de censure contre leur dirigeante.

Pour qu'un vote ait lieu, il faudrait que 15% au minimum des parlementaires tories, soit 48 dans la configuration actuelle, en fassent la demande écrite au président du "comité 1922", qui représente les députés conservateurs n'exerçant aucune fonction gouvernementale.

Theresa May serait renversée si une majorité simple d'élus conservateurs votaient la défiance (soit 158 sur 315) et elle devrait par la même occasion abandonner le poste de Premier ministre.

Plusieurs médias britanniques assuraient vendredi que les partisans du Brexit disposaient, ou étaient sur le point de disposer, des 48 voix nécessaires pour organiser ce vote. Selon le journal The Telegraph, le scrutin pourrait être organisé mardi.

"Je pense qu'on n'en est pas loin", a déclaré Steve Baker, un des chefs de file des "frondeurs", à la BBC.

A la mi-journée, seuls 21 députés avaient cependant confirmé publiquement avoir déposé une lettre en ce sens.

"Pour le salut du Parti conservateur et l'avenir de notre pays, je crois honnêtement qu'il est vraiment temps de nous doter d'une nouvelle équipe dirigeante pour sortir ce pays de l'Union européenne", a notamment écrit le député Mark Francois.

CINQ MINISTRES EUROSCEPTIQUES RESTENT AU GOUVERNEMENT

Dans l'entourage de Theresa May, on se dit convaincu qu'une majorité de parlementaires tories ne sont pas prêts à faire tomber la Première ministre dans une période si cruciale pour l'avenir du pays.

"Si les lettres devaient être déposées, je pense qu'elle remporterait largement le vote, et elle le mériterait", a déclaré David Lidington, considéré comme son bras-droit.

La Première ministre a aussi reçu vendredi le soutien de son ministre de l'Environnement Michael Gove, fervent défenseur du Brexit, et de quatre autres de ses ministres eurosceptiques.

Selon le rédacteur politique du Sunday Times Tim Shipman, qui cite une "très bonne" source, Michael Gove, Liam Fox (Commerce international), Chris Grayling (Transports), Penny Mordaunt (Développement international) et Andrea Leadsom (Relations avec la Chambre des Communes) "ont collectivement décidé de reste et d'oeuvrer ensemble à améliorer les choses".

Liam Fox a jugé vendredi matin qu'"un accord vaut mieux que pas d'accord".

Quant à Michael Gove, il a dit avoir "une entière confiance" dans la Première ministre. "Il est essentiel, absolument vital que nous nous attachions à obtenir le bon accord pour notre avenir", a-t-il ajouté.

D'après The Telegraph, les ministres "Brexiters" se réuniront la semaine prochaine pour discuter d'une nouvelle formulation de la "clause de sauvegarde" ("backstop") visant à éviter le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Ils veulent en effet s'assurer que le Royaume-Uni ne sera pas lié indéfiniment à l'UE dans une union douanière.

Selon David Davis, Dominic prédécesseur de Raab au poste de secrétaire au Brexit, le projet défendu par Theresa May sera "rejeté par le Parlement" et la dirigeante devra proposer une alternative.

MAY ENTEND NÉGOCIER EN PERSONNE

Lors de sa démission jeudi, le ministre du Brexit Dominic Raab a prédit que le texte présenté par le gouvernement ne serait pas voté dans sa forme actuelle par la Chambre des communes, où Theresa May risque d'avoir beaucoup plus de mal à rassembler une majorité que pour un éventuel vote de défiance. Le vote sur le projet d'accord ne devrait pas intervenir avant début décembre.

D'ici là, la Première ministre entend mener en personne les dernières négociations avec l'Union européenne, a annoncé son porte-parole.

Le rôle du successeur de Dominic Raab, Stephen Barclay, sera de préparer le pays à la sortie de l'UE, qui sera effective en mars prochain, et de faire adopter par le Parlement le projet d'accord conclu avec les négociateurs européens, a-t-il précisé.

Ancien banquier et ancien secrétaire d'Etat chargé des Services financiers, Stephen Barclay avait voté en faveur du Brexit lors du référendum de 2016.

Theresa May a aussi rappelé aux affaires l'ancienne ministre de l'Intérieur Amber Rudd, qui récupère le portefeuille du Travail et des retraites laissé vacant par la démission jeudi d'Esther McVey.

En revanche, le torchon brûle entre la Première ministre et le Parti unioniste démocrate (DUP) d'Irlande du Nord, qui permet aux conservateurs de disposer d'une majorité à la Chambre des communes.

D'après le Daily Telegraph, citant des sources proches d'Arlene Foster, dirigeante du DUP celui-ci mettra fin à son accord avec les Tories si la Theresa May reste en place.

Cette dernière a pourtant assuré vendredi continuer à travailler avec le DUP "qui a posé des questions et fait part de ses inquiétudes, sur lesquelles nous nous penchons".

(Avec Andrew MacAskill, Andy Bruce et Alistair Smout; Jean-Stéphane Brosse, Guy Kerivel, Tangi Salaün et Nicolas Delame pour le service français)