L'opposition infiltre la colère des "Gilets jaunes"

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L'opposition infiltre la colere des gilets jaunes[reuters.com]
(Crédits : Vincent Kessler)

PARIS (Reuters) - Plusieurs chefs de file de l'opposition ont revendiqué ce week-end une place parmi les "Gilets jaunes" opposés à la hausse de la fiscalité sur les carburants, en dépit d'affinités variables avec une mobilisation qui réfute toute couleur partisane.

Si l'ensemble des syndicats (excepté police SGP Unité FO) ont annoncé d'emblée se dissocier du mouvement, vu comme récupéré par l'extrême droite, des élus, de La France insoumise à Debout la France en passant par Les Républicains et le Rassemblement national, clament au contraire leur soutien, voir un "devoir" de présence parmi les manifestants.

"Non seulement nous n'avons pas voulu du divorce proposé par tant de gens qui n'acceptent pas la nature de ce type d'évènement 'hors contrôle', mais au contraire nous avons voulu y être comme des poissons dans l'eau. Ce qui fut fait", écrit lundi Jean-Luc Mélenchon sur son blog, après un passage samedi parmi les manifestants place de la Concorde à Paris.

Après la relative faiblesse de mobilisations d'union entre syndicats et partis de gauche, par exemple la "marée populaire" du 26 mai qui n'avait rassemblé que 93.000 personnes, les 300.000 "Gilets jaunes" du week-end, qui poursuivaient lundi des actions, font espérer à certains une "jacquerie fiscale" à même d'infléchir le rapport de force gouvernemental.

François Ruffin, député LFI de la Somme qui avait lancé mardi à l'Assemblée le slogan de soutien "Macron rends l'ISF d'abord", explique sur son blog son immersion au barrage de Flixecourt (Somme). "Je suis un cahier de doléances ambulant, ce samedi 17 novembre, au milieu des gilets jaunes. C'est bien là ma place, c'est bien ça mon rôle", écrit-il.

Benoît Hamon, pour sa part, a invité samedi "à revenir au plus grand calme", tandis qu'au Parti socialiste, Olivier Faure demande une "remise à plat" pour concilier justice sociale et écologie et un gel des augmentations prévues en janvier.

"LE DEVOIR DE TOUT ÉLU"

Le Premier ministre Edouard Philippe a exclu dimanche de revenir sur la hausse des taxes sur le carburant prévue le 1er janvier.

"Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'organisation politique ou syndicale derrière, que ce mouvement n'existe pas. La colère des Français est profonde, elle est sincère, elle doit être entendue", a dit samedi sur France 3 le député PCF Fabien Roussel, qui pourrait succéder dimanche à Pierre Laurent, désavoué, à la tête du Parti.

La droite, en ligne de mire des accusations de récupération du gouvernement, décline un soutien qui va d'une présence sur place à un appui à distance, tout en réfutant un rôle d'instigatrice de la mobilisation.

"Je considère que mon devoir c'est de les soutenir comme c'est le devoir de tout élu aujourd'hui", a déclaré samedi le président des Républicains, Laurent Wauquiez, qui a privilégié un déplacement en terrain connu dans le centre-ville du Puy-en-Velay, dont il fut maire.

Invité lundi soir du journal de 20h00 de TF1, il s'est déclaré "préoccupé par l'évolution de la situation."

"Il y a un autre chemin qui est possible", a dit Laurent-Wauquiez. "J'attends (du président) qu'il annonce l'annulation de ces hausses de taxes parce que celles que lui met sur la table sont d'une ampleur qui n'est pas supportable".

Le chef de file de Debout la France Nicolas Dupont Aignan, qui défend de longue date des baisses de taxes sur l'essence, a fait oeuvre samedi et dimanche de porte-voix politique des "gilets" contre le "racket fiscal", et est allé les saluer dans sa circonscription de l'Essonne.

"Combien de morts faudra-t-il avant qu'Emmanuel Macron n'entende la détresse des Français?", a-t-il dit après le décès d'une manifestante, dénonçant mépris et "spoliation". La ministre des Transports Elisabeth Borne a fustigé lundi sur franceinfo des propos "franchi(ssant) les limites de la décence".

Le Rassemblement national, vu par les sondeurs comme le principal bénéficiaire de cette contestation en vue des élections européennes, avec Debout la France affiche son soutien à un mouvement vu comme celui d'une "France qui bosse et qui cotise".

Marine Le Pen a salué dimanche "un très grand succès" sans se rendre dans les blocages, comme a pu le faire son porte-parole Sébastien Chenu dans le Nord ou encore le député Louis Aliot.

(Julie Carriat avec ELizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)