Le monde social doute de l'efficacité d'états généraux de l'environnement

reuters.com  |   |  860  mots

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - L'idée d'organiser des états généraux de la transition énergétique pour ramener les acteurs du milieu social autour de la table est saluée par une partie de la classe politique et des corps intermédiaires, qui pensent toutefois que seul un geste fiscal apaisera la colère incontrôlée des "Gilets jaunes".

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a demandé samedi, à l'issue de la première journée de mobilisation contre la hausse du prix du carburant, de "réunir très rapidement les syndicats, les organisations patronales, les associations pour construire un pacte social de la conversion écologique".

"Ce gouvernement (...) se doit de redonner de la perspective au peuple français et ça ne se fait pas tout seul. Ça se fait avec ceux qui sont aussi engagés sur le terrain de l'emploi, des solidarités, sur le terrain de l'aménagement des territoires", a-t-il dit sur RTL lundi pour expliquer son initiative.

Le Premier ministre Edouard Philippe a rejeté la proposition du syndicaliste dimanche sur France 2, jugeant que les "Gilets jaunes" ne veulent pas "d'une grande conférence" avec les organisations politiques et syndicales.

"C'était pourtant une bonne idée de remettre dans le coup tout ceux qui ont un rôle à jouer dans une démocratie comme la nôtre", a déclaré à Reuters Jean-Dominique Simonpoli, directeur de l'association Dialogues et ancien responsable de la CGT.

Cela permettrait notamment, dit-il, d'"éviter des débordements" dans de prochaines manifestations, comme cela s'est produit samedi avec un bilan de plus de 400 blessés et la mort d'une manifestante, renversée par une automobiliste.

PAS SUFFISANT

Le président de l'Association des départements de France, Dominique Bussereau, a repris lui aussi sur France 2 la proposition de Laurent Berger, mais précise qu'elle ne suffira pas à apaiser à court terme la grogne des "Gilets jaunes".

Il faut, selon lui, faire peser une partie de la transition écologique sur les "grands donneurs d'ordre" et les poids lourds étrangers qui traversent la France.

L'initiative de Laurent Berger "est tout à fait recevable mais, en elle-même, elle ne suffit pas à répondre à la gravité et à la complexité de la situation", a dit le président de la CFE-CGC (syndicat des cadres), François Hommeril.

Pour lui, le gouvernement doit revoir sa politique fiscale -- ce qu'Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont exclu.

"Si le gouvernement accepte de remettre en question ce qu'il a fait depuis 2012", date à laquelle Emmanuel Macron est promu secrétaire général adjoint de l'Elysée, "à ce moment-là on sera dans une bonne voie, sinon ce n'est pas la peine de discuter de quoi que ce soit, car c'est la racine du mal", ajoute-t-il.

Pour le professeur de politique sociale à l'université Cergy-Pontoise, Stéphane Sirot, asseoir autour d'une table des interlocuteurs, comme cela se fait habituellement après des manifestations organisées par des syndicats, serait une "réponse typiquement d'ancien monde".

Par ailleurs, on aurait des interlocuteurs qui ne sont "absolument pas représentatifs de ce mouvement", ou "se sont plutôt inscrits en opposition", ajoute-t-il.

"S'il faut calmer les choses en annonçant des mesures, elles peuvent l'être sans qu'il y ait besoin d'une réunion avec des interlocuteurs non représentatifs. Ça peut être purement annoncé par le gouvernement".

A ce stade, le mouvement peut s'essouffler de lui-même, ajoute-t-il. On a noté une forte baisse de la mobilisation ce lundi, alors que les "Gilets jaunes", principalement des salariés, sont retournés travailler. Mais "le ressentiment ne pourrait que grandir", dit l'analyste, au risque que les braises reprennent à la moindre contrariété.

LE PATRONAT CRAINT QUE LE MOUVEMENT NE DURE

Pour un cadre de Force ouvrière, il s'agit d'une tentative de Laurent Berger de reprendre la main. La centrale, tout comme la CGT, a appelé le gouvernement à augmenter les salaires en réponse à la grogne populaire.

Le patronat craint pour sa part que le mouvement ne s'installe dans la durée et n'affecte l'économie française.

Pour le président de CPME, François Asselin, la proposition de Laurent Berger est une initiative "intéressante, par le principe", mais "il faut des mesures concrètes".

"Il apparaît aujourd'hui que les blocages continuent par endroits, ce qui n'est pas sans conséquence notamment pour le monde économique et en particulier pour les artisans, les TPE et les PME", a écrit la CPME par communiqué.

Elle "réclame un geste fort du gouvernement sous forme d'un moratoire stoppant l'application des nouvelles augmentations de taxes sur les carburants, prévues en janvier prochain."

Le Medef, par communiqué, appelle aussi "les pouvoirs publics à tout faire pour que l'économie française ne soit pas entravée alors que la fin d'année représente pour de nombreux secteurs une période cruciale pour l'activité et la croissance".

Il précise toutefois qu'il "soutient le principe de la taxe carbone, mais rappelle que celle-ci doit être prévisible, proportionnée à la capacité des acteurs économiques et s'inscrire dans une stratégie de compétitivité".

(Edité par Yves Clarisse)