Macron face au défi du pouvoir d'achat avant les européennes

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(Crédits : Yves Herman)

PARIS (Reuters) - A six mois des élections européennes, premier scrutin intermédiaire de son quinquennat, Emmanuel Macron est confronté à un mécontentement sans précédent autour de la question du pouvoir d'achat qui, faute de réponse, pourrait profiter aux extrêmes le 26 mai prochain, estiment des sondeurs.

"Ce que le mouvement des 'gilets jaunes' a mis spectaculairement en lumière, c'est le fossé croissant entre une partie de la France populaire et ce gouvernement qui, face à cette fronde, semble relativement démuni", note Jérôme Fourquet, directeur du département opinion d'Ifop.

"Parallèlement, nous enregistrons une progression assez régulière depuis la rentrée des intentions de vote en faveur du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen semble avoir été requinquée sur cette dernière période et est repartie à l'offensive pour récupérer cette colère", ajoute-t-il.

Pour le sondeur, la capacité d'Emmanuel Macron, qui met régulièrement en garde contre la montée des extrêmes en Europe, à "être de nouveau audible et à convaincre une partie de ces Français" aura dans ce contexte une valeur de test.

Or pour l'heure, "quoi que le chef de l'Etat fasse, ça ne marche pas. Quand vous avez atteint une masse critique de mécontents, tout ce que vous pouvez dire ou faire vous revient comme un boomerang. C'est très compliqué de sortir de cette espèce de Pot au noir".

Au sommet de l'Etat, la ligne est claire : pas question pour l'heure de dévier du cap et des objectifs fixés en matière de réformes. Mais la déclaration d'Emmanuel Macron en forme de mea culpa la semaine dernière sur le porte-avions Charles-de-Gaulle - "je n'ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants" - a été perçue comme un tournant dans son discours.

MACRON EN RETRAIT

Depuis, Emmanuel Macron s'est mis en retrait, refusant de répondre lundi en marge de sa visite d'Etat en Belgique à des questions sur le mouvement des "Gilets Jaunes" et laissant son Premier ministre Edouard Philippe monter en première ligne.

L'enjeu de reconquête de l'électorat est de taille pour l'exécutif. Malgré les tentatives du gouvernement de rassurer l'opinion en la matière et les chiffres de l'Insee qui prévoient une hausse du pouvoir d'achat de 1,3% en 2018, 74% des Français ont le sentiment que leur pouvoir d'achat s'est réduit ces derniers mois selon un sondage Elabe publié fin octobre.

Huit Français sur dix (79%) ne font par ailleurs pas confiance au chef de l'Etat et au gouvernement pour améliorer leur pouvoir d'achat, soit neuf points de plus qu'en février. La défiance est montée surtout chez les cadres (+18 points, à 63%) et les électeurs d'Emmanuel Macron (+18 points, à 51%).

Tout au long de son "itinérance mémorielle" début novembre, le chef de l'Etat, perçu depuis le début de son quinquennat comme éloigné des Français et taxé de "président des riches" par l'opposition, a pu constater que la colère dominait dans ces régions où il a été interpellé, parfois avec véhémence.

"Il faut aller au contact de la colère, il ne faut pas chercher à l'éviter", a-t-il estimé à l'issue d'un échange avec des habitants dans un bar PMU du Pas-de-Calais le 9 novembre. Mais "il ne faut pas apporter de réponses démagogiques", a-t-il ajouté, une semaine après la publication d'un sondage Ifop dans lequel le RN devance pour la première fois La République en marche-MoDem dans les intentions de vote pour les européennes.

"SECOND TOUR A L'ENVERS"

Le mouvement des "Gilets Jaunes" est "une interpellation du politique sur l'idée qu'Emmanuel Macron ne fait que continuer la politique du rabot de ses prédécesseurs, politique qu'il dénonçait lui-même, où sans cesse on demande aux Français de façon inégalitaire de trouver de l'argent", note Stéphane Rozès, président de CAP (Conseils, analyses et perspectives).

"Il est trop tôt pour savoir comment le mouvement va se terminer mais si Emmanuel Macron n'en prend pas la mesure profonde, ce mouvement risque d'amplifier la défiance à l'égard de la majorité actuelle et de profiter essentiellement au Rassemblement national mais également à La France insoumise", ajoute-t-il.

Pour le président d'Elabe Bernard Sananès, Emmanuel Macron, qui a remporté en mai 2017 l'élection présidentielle face à Marine Le Pen, "affronte un second tour à l'envers."

"Il a été élu par deux tiers des voix en mai 2017, il affronte aujourd'hui une défiance identique, voire même supérieure", a déclaré le sondeur dans une interview à l'Opinion publiée dimanche. "Comme le second tour de 2017 s'était joué contre Marine Le Pen, la mobilisation d'aujourd'hui se fait en partie contre lui".

(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)