Pêche, marchandises et Gibraltar au menu de la rencontre May-Juncker

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Peche, marchandises et gibraltar au menu de la rencontre may-juncker[reuters.com]
(Crédits : Francois Walschaerts)

BRUXELLES (Reuters) - Theresa May s'est rendue ce mercredi à Bruxelles pour discuter avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de la déclaration politique qui doit accompagner l'accord de retrait et fixer le cadre des futures relations entre Londres et Bruxelles et des questions restées en suspens.

Après plusieurs heures de discussions, la dirigeante britannique a annoncé qu'elle reviendrait samedi à Bruxelles pour poursuivre les négociations.

"Je reviendrai samedi pour de nouvelles réunions, avec le président Juncker notamment, pour discuter de ce que nous pouvons faire pour que le processus aboutisse de la meilleure manière qui soit", a-t-elle déclaré à la BBC?

"Il reste des questions qui ont besoin de réponses", a-t-elle ajouté.

De source diplomatique, les discussions de mercredi devaient notamment porter sur trois aspects: "la pêche, les marchandises et Gibraltar".

Le président de la Commission a annulé un déplacement qu'il devait effectuer jeudi et vendredi en Espagne pour se consacrer totalement aux ultimes négociations, a-t-on appris auprès de son porte-parole.

Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne sont attendus dimanche à Bruxelles pour un sommet extraordinaire https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/european-council/2018/11/25 où ils doivent approuver le projet d'accord de retrait conclu la semaine dernière entre les négociateurs de Londres et de Bruxelles.

Il leur faudra aussi avancer sur la déclaration politique qui servira de base aux négociations à venir sur la nature des relations, notamment commerciales, entre le Royaume-Uni et l'UE.

Le président du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a renouvelé mercredi sa menace de voter contre l'accord de retrait à moins que le texte reconnaisse que l'avenir de Gibraltar, possession britannique depuis 1713 à l'extrémité sud de l'Espagne, devra faire l'objet d'une négociation directe entre Madrid et Londres.

"S'il n'y a pas de solution d'ici dimanche, l'Espagne, un gouvernement pro-européen, devra voter 'non'", a-t-il dit.

MADRID N'A PAS DE DROIT DE VETO

Le chef de la diplomatie espagnole, Josep Borrell, avait expliqué plus tôt Madrid voulait obtenir des garanties à la fois dans le projet d'accord de Brexit qui a été publié la semaine dernière et dans la déclaration politique en cours de discussion.

"Nous ne donnerons pas notre accord tant que nous n'aurons pas vu les deux et que nous aurons la certitude qu'elles disent clairement que les négociations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ne concerneront pas Gibraltar et que cette question devra faire l'objet de négociations séparées avec l'Espagne", a-t-il dit.

L'Espagne explique ses réserves de dernière minute par le fait qu'elle n'a pris connaissance qu'il y a quelques jours de l'article 184 du projet d'accord de Brexit, qui concerne les futures négociations entre Bruxelles et Londres et qui est, selon elle, "ambigu" sur la question de Gibraltar.

Cet article fixe le cadre général des négociations "de bonne foi et dans le respect de leurs ordres juridiques respectifs" qui viseront à définir la future relation entre les Vingt-Sept et le Royaume-Uni. Il ne mentionne pas spécifiquement Gibraltar.

"L'Espagne a un problème tout à fait réel sur Gibraltar", reconnaît un diplomate européen.

L'article 50 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:12016M050 du traité européen qui organise la sortie d'un Etat membre prévoit que l'accord de retrait doit être approuvé non pas à l'unanimité des Etats membres, mais à la majorité qualifiée. Madrid ne dispose de ce fait d'aucun droit de veto sur le texte mis au point avec Londres, mais les Européens souhaiteraient continuer à présenter un front uni comme ils le font depuis le début des négociations.

CONTEXTE ÉLECTORAL INTÉRIEUR EN ESPAGNE

Dans les instances européennes à Bruxelles, nombre d'interlocuteurs estiment que Pedro Sanchez, en soulevant la question de Gibraltar, obéit surtout à une logique de politique intérieure avec à l'esprit les élections régionales du 2 décembre en Andalousie, à l'extrémité de laquelle se trouve Gibraltar où des milliers d'Espagnols vont travailler chaque jour.

Aussi considèrent-ils que la question pourra être réglée par les dirigeants européens. Aussi mettent-ils également en garde Madrid de ne pas aller trop loin. "Personne ne veut rouvrir l'accord de retrait", note un troisième diplomate européen.

Ce texte de 585 pages a été conclu la semaine dernière par les négociateurs européens et britanniques.

A Londres, les services de Theresa May avaient fait savoir dès mardi qu'aucun nouveau document sur le Brexit ne devrait être publié à l'issue de la rencontre entre la Première ministre britannique et le président de la Commission.

Parallèlement à la question de Gibraltar, la circulation des marchandises entre le Royaume-Uni et les pays de l'UE et les droits de pêche devaient également faire l'objet de décisions.

Ils pourraient être inclus dans la déclaration politique qui doit fixer le cadre des futures relations entre Londres et les Européens, ou, ainsi que le réclament des pays comme la France, faire l'objet de déclarations distinctes.

Après la rencontre May-Juncker, les ambassadeurs de l'UE se retrouveront jeudi pour se pencher précisément sur cette déclaration politique. Vendredi, ce sera au tour des "sherpas" - les conseillers des chefs d'Etat et de gouvernement. Suivra le sommet de dimanche.

S'ouvrira alors une nouvelle étape cruciale, à Londres cette fois, avec la procédure d'adoption de l'accord de retrait par la Chambre des Communes, où les divisions au sein de la majorité de Theresa May menacent la suite des opérations.

LE POINT sur les négociations du Brexit:

(Gabriela Baczynska, Alastair Macdonald et Jan Strupczewski, avec Ingrid Melander à Madrid; Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André, Tangi Salaün et Nicolas Delame pour le service français)