Menacée de sanctions par Bruxelles, l'Italie assume son budget

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La ce preconise une procedure de deficit excessif visant l'italie[reuters.com]
(Crédits : Francois Lenoir)

par Jan Strupczewski et Gavin Jones

BRUXELLES/ROME (Reuters) - La Commission européenne a franchi mercredi le premier pas vers une procédure de sanction contre l'Italie, dont le budget 2019 enfreint selon elle les règles de l'Union, mais Rome a réaffirmé n'avoir aucune intention de renoncer à la relance budgétaire, au risque de se voir infliger des amendes.

Pour la Commission, le projet de budget soumis par le gouvernement italien implique une augmentation du déficit structurel, c'est-à-dire hors éléments exceptionnels et effets du cycle économique, équivalant à un point de pourcentage du produit intérieur brut (PIB) alors que les règles communautaires impliquaient une réduction de 0,6 point.

Le projet ne permet en outre aucune réduction de la dette publique italienne, l'une des plus lourdes de la zone euro, ce qui constitue aux yeux de Bruxelles un "manquement particulièrement grave" aux règles européennes et justifie pour la CE l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif.

La dette publique italienne représente 131% du PIB, le ratio le plus élevé des pays de la zone après celui de la Grèce (180,4% prévu cette année et 167,8% attendu en 2019).

Pour respecter les règles de l'UE, Rome devrait faire diminuer ce ratio d'endettement chaque année jusqu'à ce qu'il soit ramené à 60%. Or la Commission estime que le niveau de la dette ramené au PIB restera inchangé au moins pendant les deux prochaines années.

"L'ouverture d'une procédure pour déficit excessif basée sur la dette est donc justifiée", a déclaré le vice-président de la Commission en charge de l'euro, Valdis Dombrovskis, lors d'une conférence de presse.

"Dans une situation de dette très élevée, l'Italie prévoit principalement une augmentation importante de ses emprunts au lieu de la prudence budgétaire nécessaire."

Le gouvernement italien, qui prévoit de creuser le déficit l'an prochain à 2,4% du produit intérieur brut (PIB) contre 1,8% prévu cette année, estime que cette politique est nécessaire pour relancer la croissance économique et faire reculer le chômage, qui touchait 9,7% de la population active en août.

LA COMMISSION ÉVOQUE UN RISQUE D'"INSTABILITÉ"

Le président du Conseil, Giuseppe Conte, qui doit s'entretenir samedi avec celui de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déclaré que le gouvernement restait convaincu que son budget servait les intérêts de l'Italie comme ceux de l'Europe.

Pour Valdis Dombrovskis, au contraire, "l'impact de ce budget sur la croissance serait négatif".

"Il n'intègre pas des mesures significatives permettant de renforcer la croissance potentielle, au contraire peut-être", a-t-il ajouté. "Dans ce que le gouvernement italien a mis sur la table, nous voyons un risque que le pays avance les yeux fermés vers l'instabilité."

La Commission européenne se prononce sur le projet de budget de chacun des Etats de la zone euro avant son adoption dans le cadre de la procédure dite du "semestre européen", en vérifiant notamment si les pays membres respectent les critères définis par l'Union en matière de déficit et de dette publique.

La procédure pour déficit excessif vers laquelle s'achemine la Commission européenne est théoriquement susceptible d'aboutir à des amendes contre l'Italie, même si aucune des procédures ouvertes ces dernières années n'a conduit à une telle issue.

A Rome, les deux partis de la coalition gouvernementale, la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, autoproclamé "antisystème") ont réaffirmé leur soutien au projet de budget.

"Nous sommes convaincus par les chiffres de notre budget. Nous en parlerons dans un an", a dit Matteo Salvini, chef de file de la Ligue et vice-président du Conseil, ajoutant que mettre Rome à l'amende serait "irrespectueux" envers les Italiens.

"Je veux juste que les Italiens soient traités comme les autres, les Français, les Allemands...", a-t-il ensuite déclaré dans un entretien accordé à la chaîne de télévision Rete4.

DÉTENTE SUR LES MARCHÉS

Avant d'être officiellement ouverte, la procédure proposée par la Commission doit encore franchir plusieurs étapes de validation. Les ministres des Finances de l'Union pourraient ainsi en débattre en janvier, et avaliser alors des propositions de mesures que la Commission aura élaborées d'ici-là.

Des sanctions financières ne seraient applicables que si l'Italie refusait de se plier à ces recommandations.

Sur les marchés financiers, très sensibles à l'évolution du différend entre Rome et la Commission, les rendements des emprunts d'Etat italiens ont reculé mercredi, une baisse qui a atteint jusqu'à 20 points de base pour le deux ans, les investisseurs semblant vouloir croire à une solution de compromis.

En fin de journée, l'écart de rendement ("spread") entre les obligations d'Etat italiennes et allemandes à dix ans était ainsi revenu à moins de 311 points de base, contre plus de 319 points en début de séance. Il avait brièvement dépassé 335 points mardi alors qu'il était inférieur à 120 points en avril.

Le président du Conseil, Giuseppe Conte, s'est dit préoccupé par l'évolution du spread, ajoutant que le gouvernement y répondrait par des réformes.

"Il y a à l'évidence certains indices dans les informations en provenance d'Italie laissant entendre que le budget pourrait être infléchi en temps voulu", a commenté Chris Scicluna, directeur de la recherche économique de Daiwa Capital Markets à Londres.

Sur le marché des changes, l'euro, qui reste sensible aux inquiétudes suscitées par l'Italie et au risque d'une nouvelle crise de la dette dans la région, est remonté autour de 1,14 dollar contre moins de 1,1370 dans les premiers échanges.

La Bourse de Milan a fini en hausse de 1,41%, l'une des meilleures performances du jour en Europe.

(Avec Virginia Furness à Londres; Marc Angrand et Nicolas Delame pour le service français)