Le Mexique bascule à gauche avec l'investiture de Lopez Obrador

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(Crédits : Henry Romero)

par Dave Graham

MEXICO (Reuters) - Premier président de gauche au Mexique depuis la fin du régime de parti unique dans les années 1980, Andres Manuel Lopez Obrador est investi samedi pour un mandat de six ans qu'il entend consacrer à la défense des déshérités et à la lutte contre la corruption et la "mafia du pouvoir".

Agé de 65 ans, l'ancien maire de Mexico, qui succède à Enrique Peña Nieto, promet aussi de mettre fin au bain de sang de la guerre contre les cartels de la drogue en créant une Garde nationale et en modifiant le Code pénal pour amnistier certains collaborateurs des narcotrafiquants.

Andres Manuel Lopez Obrador, que l'on surnomme "AMLO", ne cache pas son admiration pour l'ancien président Lazaro Cardenas, qui, arrivé au pouvoir en 1934, avait distribué des terres aux paysans et nationalisé des entreprises industrielles, notamment pétrolières, contrôlées par l'étranger.

Grâce à sa nette victoire lors de la présidentielle de juillet dernier, remportée avec plus de 53% des voix et trente points d'avance sur son plus proche rival, ainsi que la victoire aux législatives de la coalition formée autour de son Mouvement de régénération nationale (Morena), Lopez Obrador accède à la présidence en position de force.

Mais sans renier ses convictions, il affiche aussi son pragmatisme et reconnaît le besoin d'avoir une économie stable et d'attirer les investisseurs pour atteindre ses objectifs.

Il veut également améliorer les liens avec Washington et cherche à conclure avec le président américain Donald Trump un accord visant à endiguer l'immigration en provenance d'Amérique centrale en échange d'une aide des Etats-Unis pour développer cette région en proie à la misère et la violence.

"Le Mexique va devenir un pays sûr, un pays qui encourage réellement l'investissement", a-t-il déclaré dans un message vidéo diffusé cette semaine.

Il a dans le même temps, également au cours de la semaine écoulée, dénoncé l'ouverture "néo-libérale" de l'industrie pétrolière aux capitaux étrangers décidée par son prédécesseur.

RÉFÉRENDUMS

Les marchés financiers accueillent avec une grande méfiance le nouveau président mexicain. Même si elle a effacé une partie de ses pertes pendant les cinq mois de transition, la Bourse de Mexico est proche de ses plus bas niveaux depuis trois ans.

Les milieux d'affaires n'ont guère apprécié la décision, annoncée par AMLO le 29 octobre dernier, d'annuler le projet de construction d'un nouvel aéroport à Mexico pour l'équivalent de 11,5 milliards d'euros.

Lopez Obrador a justifié cette décision par un référendum organisé par son parti. Le chef de l'Etat compte recourir régulièrement à ces consultations populaires, ce que dénoncent ses détracteurs, qui parlent de populisme autoritaire.

Juan Carlos Romero Hicks, président du groupe PAN (Parti d'action nationale, centre droit) à la chambre basse du Congrès, estime que le Mexique doit s'attendre à des mois d'incertitude et accuse Lopez Obrador d'avoir "perdu le contact avec la réalité".

Certains des problèmes les plus épineux que devra régler le nouveau président sont encore plus aigus que lorsque Peña Nieto avait accédé à la présidence en 2012, jurant alors de mettre fin à une violence déjà "sans précédent".

Plus de 25.000 meurtres, un record, ont été enregistrés au Mexique l'an dernier, et plus de 10.000 pendant la seule période de transition, entre juillet et octobre, soit les quatre mois les plus sanglants dans le pays depuis au moins 1997.

Comme Peña Nieto, Lopez Obrador déclare que la sécurité sera sa priorité numéro un. Il accède à la présidence avec une cote de popularité supérieure à celle de son prédécesseur en 2012 - 62,6% contre 56,4% - selon un sondage effectué du 23 au 25 novembre par Consulta Mitofsky et publié vendredi.

En raison du sommet du G20 qui s'achève samedi soir en Argentine, peu de dirigeants de grandes puissances assisteront à la cérémonie d'investiture du nouveau président mexicain, à laquelle participeront des figures de la gauche latino-américaine - les présidents vénézuélien Nicolas Maduro, cubain Miguel Diaz-Canel et bolivien Evo Morales.

Les Etats-Unis seront représentés par le vice-président Mike Pence et la fille de Donald Trump, Ivanka Trump.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)