Apple et l'indice ISM plombent Wall Street

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Wall street finit en baisse[reuters.com]
(Crédits : Shannon Stapleton)

(Reuters) - La Bourse de New York a fini en forte baisse jeudi, plombée par une statistique alarmante sur l'activité manufacturière et un rare avertissement d'Apple sur ses ventes qui ont alimenté les craintes d'un ralentissement de l'économie mondiale.

L'indice Dow Jones a perdu 660,02 points, soit 2,83%, à 22.686,22 points et le S&P-500, plus large, 62,14 points ou 2,48% à 2.457,89.

Le Nasdaq Composite, à forte pondération technologique, a lâché de son côté 202,43 points (3,04%) à 6.463,50, terminant non loin de son plus bas du jour.

Apple a perdu près de 10% après avoir prévenu que son chiffre d'affaires du trimestre écoulé serait inférieur aux attentes des analystes en raison d'un ralentissement plus fort que prévu de ses ventes en Chine.

L'Institute for Supply Management (ISM), l'association américaine des directeurs d'achat, a de son côté fait état d'une nette décélération de la croissance de l'activité manufacturière en décembre, avec un indice à 54,1, au plus bas depuis deux ans.

L'indice ISM manufacturier, même s'il signale toujours une expansion, fait écho aux indices PMI décevants publiés cette semaine en Chine et dans la zone euro.

"Tout cela suggère que le ralentissement est mondial, pas seulement la Chine, pas seulement l'Europe - les Etats-Unis aussi", dit Quincy Krosby, stratège chez Prudential Financial à Newark (New Jersey).

"Les données qui tombent et les commentaires d'Apple, et aussi d'autres entreprises, nous disent que l'économie ralentit. Reste à connaître l'ampleur de ce ralentissement. Soit le marché se trompe et est trop pessimiste, soit la Réserve fédérale se trompe en maintenant sa trajectoire de hausse de taux."

Le courant vendeur des derniers mois qui a ramené les indices de Wall Street à leurs niveaux de la mi-2017 a rendu les actions moins chères. La valorisation de l'indice S&P 500 est ainsi tombée à 14 fois les résultats attendus à comparer à un multiple de 18 fois un an plus tôt, mais les estimations de résultats ont été aussi révisées en forte baisse.

Les analystes prévoient en moyenne une progression de moins de 7% des bénéfices des sociétés du S&P 500 cette année, alors que début octobre la hausse anticipée était de 10%. Le contraste est net avec les résultats de 2018, qui devraient ressortir en hausse de 24% selon les estimations d'IBES Refinitiv.

Pour le quatrième trimestre 2018, dont les publications débuteront mi-janvier, les analystes n'attendent plus qu'une hausse de 15,5% des bénéfices, cinq points de moins que les estimations du début octobre.

Les volumes sont restés étoffés jeudi avec 8,11 milliards d'actions échangées contre une moyenne de 9,16 milliards sur les 20 dernières séances. L'indice Vix de la volatilité a bondi de 9,60% à 25,45 points, après une poussée à 26,60.

VALEURS

La baisse de 9,96% d'Apple porte sa perte à quelque 40% en 13 semaines et fait rétrograder la firme à la pomme au quatrième rang des capitalisations américaines, derrière Microsoft, Amazon.com et désormais Alphabet, maison mère de Google. [nL8N1Z34QF]

Dans la foulée, ses fournisseurs Qorvo et Skyworks Solutions SWKS.O ont perdu respectivement 9,06% et 10,65%. L'indice Sox du secteur des semi-conducteurs a lâché 5,94%.

Une autre victime collatérale a été Berskhire Hathaway (-5,61%), le conglomérat du milliardaire Warren Buffet dont Apple constitue la principale participation boursière.

Neuf des 11 grands indices sectoriels du S&P ont fini dans le rouge, emmenés par le compartiment des technologiques qui a chuté de 5,07% - sa plus forte baisse en pourcentage depuis le 18 août 2011.

Les industrielles et les matériaux, sensibles à la croissance mondiale, ont cédé respectivement 2,96% et 2,76%, avec notamment Caterpillar, 3M et Boeing, trois des poids lourds du Dow Jones, qui ont reculé de près de 3%.

L'immobilier (+0,49%) et les services aux collectivités (+0,08%) ont surnagé, aidés par leur profil défensif.

En vedette et contre la tendance, le laboratoire Celgene a bondi de 20,69% après l'annonce d'une offre d'achat de 74 milliards de dollars (65 milliards d'euros) de Bristol-Myers Squibb, lequel a perdu 13,26%.

Delta Air Lines, qui comme Apple a réduit sa prévision de chiffre d'affaires du trimestre octobre-décembre, a chuté de 8,94%. L'indice S&P 1500 des compagnies aériennes a régressé de 5,91%.

LES INDICATEURS DU JOUR

L'indice ISM manufacturier a subi le mois dernier sa plus forte baisse mensuelle depuis octobre 2008, tombant de 59,3 en novembre à 54,1, son niveau le plus bas depuis novembre 2016, alors que les économistes l'attendaient en moyenne à 57,9. Il reste cependant au-dessus du seuil de 50 à partir duquel il dénote une croissance de l'activité.

"Les entrées de commandes se sont taries et cela va peser sur l'investissement et la croissance", prévient Chris Rupkey, chef économiste chez MUFG in New York.

L'indice des directeurs d'achat a éclipsé les chiffres du jour sur l'emploi.

Les inscriptions hebdomadaires au chômage ont augmenté plus que prévu la semaine dernière, de 10.000 à 231.000 (consensus 220.000), sans remettre en cause la tendance de fond vigoureuse du marché de l'emploi aux Etats-Unis.

Le secteur privé a créé 271.000 emplois en décembre, un nombre nettement supérieur aux attentes et le plus élevé depuis février 2017, selon l'enquête mensuelle d'ADP qui laisse augurer d'une bonne surprise pour le rapport sur l'emploi publié vendredi par le département du Commerce.

LA SÉANCE EN EUROPE

En Europe comme à Wall Street, les Bourses n'ont pas manqué d'accuser le coup de l'avertissement lancé par Apple la veille et des craintes sur la croissance mondiale.

À Paris, le CAC 40 a terminé en baisse de 1,66% à 4.611,48 points. Le Footsie britannique a cédé 0,62% et le Dax allemand 1,55%.

L'indice EuroStoxx 50 a laissé 1,29%, le FTSEurofirst 300 0,71% et le Stoxx 600 0,98%.

L'indice sectoriel Stoxx de la technologie a chuté de 4,19%, avec des plongeons de 23,17% pour AMS et de 11,61% pour STMicroelectronics, fournisseurs d'Apple. [.EUFR]

TAUX

L'aversion au risque a profité aux obligations, faisant chuter les rendements sous des niveaux clés.

Celui des notes à deux ans a cassé en fin de séance le seuil de 2,4%, atteignant la parité avec le taux effectif des fed funds - le taux directeur de la Réserve fédérale - pour la première fois depuis 2008.

Cette convergence indique que les investisseurs ne pensent pas que la banque centrale sera en mesure de poursuivre ses relèvements de taux en 2019, contrairement à ses anticipations.

"C'est important", souligne Ian Lyngen, responsable de la stratégie de taux US chez BMO Capital Markets. "Le marché dit qu'à un moment où un autre dans les 24 mois qui viennent, la Fed va non seulement devoir relever ses taux mais commencer à les réduire."

Le taux du deux ans, tombé à son plus bas niveau depuis le 30 mai, s'inscrivait en fin de journée à 2,38%, en baisse de 12 points de base sur la séance.

Le rendement du 10 ans a touché pour sa part un plus bas de 2,55%, un retracement de plus de 50% par rapport à son pic de 2018, contre 2,661% mercredi. C'est la première fois depuis janvier 2018 qu'il descend sous les 2,6%.

CHANGES

Les dernières nouvelles d'Apple ont provoqué dans les échanges en Asie un "flash crash" sur les devises dans un marché peu fourni en l'absence des investisseurs japonais, facilitant ainsi les fluctuations de cours brutales. Les craintes suscitées par l'évolution de l'économie mondiale en général et chinoise en particulier poussent les investisseurs vers le yen, devise refuge par excellence.

En fin de séance américaine, le dollar cédait 0,8% à 107,92 yens après être tombé en Asie jusqu'à 104,96, au plus bas depuis mars 2018. L'euro s'octroyait 0,53% à 1,1401 dollar et l'indice du dollar, qui mesure la valeur du billet vert face à un panier de six devises de référence, cédait 0,5%.

PÉTROLE

Les cours du pétrole ont terminé en hausse sur le Nymex, résistant à la baisse des marchés actions et aux craintes sur l'économie mondiale grâce aux signes d'une réduction de la production de l'Arabie saoudite.

Selon une enquête Reuters, l'offre pétrolière de l'Opep a baissé en décembre par rapport au mois précédent dans une proportion jamais vue depuis janvier 2017, quand avait pris effet un premier accord de réduction de la production.

Le contrat février sur le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) a gagné 1,18% à 47,09 dollars le baril et le Brent a pris 1,89% à 55,95 dollars.

OR

Valeur refuge au même titre que le yen et les Treasuries, l'or s'est apprécié de 0,7% à 1.293,24 dollars l'once, au plus haut depuis le mois de juin.

"Si la thématique de la baisse du dollar, des actions et des rendements se prolonge, l'or va probablement viser le précédent plus haut de 1.380 dollars", dit Ole Hansen, analyste de Saxo Bank, tout en jugeant nécessaire une consolidation préalable.

A SUIVRE VENDREDI :

Outre la statistique des créations d'emplois, le marché sera attentif aux déclarations de Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale, qui participe à 15h15 GMT à un débat public avec ses prédécesseurs Ben Bernanke et Janet Yellen. Il s'agira de sa première prise de parole depuis les critiques émises le mois dernier à son endroit par le président Donald Trump et depuis que la Fed a dit prévoir deux nouvelles hausses de taux en 2019 - un scénario auquel les marchés ne croient plus.

(avec Stephen Culp à New York et Sruthi Shankar à Bangalore, Véronique Tison pour le service français)