USA : L'hypothèse d'un état d'urgence pour sortir du "shutdown" se renforce

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La maison blanche planche sur un financement du mur voulu par trump[reuters.com]
(Crédits : Leah Millis)

par Richard Cowan

WASHINGTON (Reuters) - L'hypothèse d'un recours à l'état d'urgence nationale par Donald Trump pour obtenir le déblocage des fonds nécessaires à la construction d'un mur avec le Mexique gagne en épaisseur aux Etats-Unis, où la paralysie partielle de l'administration est en passe de battre un record de durée.

A la Chambre des représentants, les démocrates, désormais majoritaires, ont fait adopter par 240 voix contre 179 une proposition de loi rétablissant le financement du département de l'Intérieur et de l'Agence de protection de l'environnement, deux des entités fédérales touchées par le "shutdown".

Mais l'initiative n'évitera pas la prolongation de la fermeture partielle des administrations, le chef de file de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, ayant dit qu'il ne soumettrait pas ce texte au vote des sénateurs.

Le "shutdown" en sera samedi à 22 jours, soit un nouveau record - le précédent, égalé vendredi, remonte à 1995, quand le démocrate Bill Clinton était à la Maison blanche et le républicain Newt Gingrich présidait la Chambre des représentants.

Pour sortir d'un piège dans lequel il s'est lui-même enfermé, Donald Trump a fortement laissé entendre jeudi qu'il pourrait invoquer l'urgence nationale pour s'affranchir de l'aval de la Chambre des représentants, qui a basculé en janvier dans le camp démocrate, lequel rejette un projet de mur jugé obsolète, immoral et inefficace.

Dans un tweet https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1083756525196320773 publié vendredi, le président républicain évoque "une crise humanitaire à notre frontière Sud". "J'en rentre à peine et c'est une situation bien pire que quiconque ne le comprendrait, une invasion !", ajoute-t-il.

La construction d'un mur à la frontière entre Etats-Unis et Mexique pour bloquer l'immigration clandestine et le trafic de drogue était l'une des grandes promesses de campagne du milliardaire new-yorkais en 2016.

Trump a d'abord affirmé que le Mexique paierait, ce que Mexico a refusé. Il exige aujourd'hui du Congrès qu'il approuve une somme de 5,7 milliards de dollars pour engager la construction du mur cette année.

Après avoir mis fin brutalement mercredi à une réunion de conciliation avec les démocrates, Trump s'est rendu jeudi à McAllen, localité frontalière du Texas, afin de démontrer le bien-fondé de ses exigences.

La paralysie partielle de l'administration fédérale affecte depuis le 22 décembre et à des degrés divers 800.000 fonctionnaires - soit au chômage technique, soit tenus de travailler sans être payés.

Plusieurs centaines d'employés fédéraux ont manifesté jeudi à Washington pour crier leur mécontentement. Un grand nombre de fonctionnaires fédéraux ne toucheront pas leur salaire ce vendredi.

"UNE TEMPÊTE EN PLEINE NUIT"

Faute de perspective de compromis, un proche de Trump, le sénateur républicain Lindsey Graham, a plaidé jeudi en faveur de l'urgence nationale. "Il est temps pour le président Trump d'invoquer les pouvoirs d'urgence pour financer la construction d'un mur/barrière à la frontière. J'espère que cela fonctionnera", a déclaré Graham dans un communiqué.

Le Wall Street Journal, NBC et le Washington Post ont de leur côté rapporté que la Maison blanche avait demandé au corps du génie de l'armée américaine d'étudier la possibilité de prélever une partie de son budget, destiné à prévenir et lutter contre les catastrophes naturelles, pour financer le mur.

Une telle initiative de Donald Trump entraînera immanquablement un recours constitutionnel des démocrates, qui accuseront notamment le président de chercher à contourner les prérogatives du Congrès en matière budgétaire.

Le problème se retrouvera aux mains des tribunaux, ce qui permettra la réouverture du gouvernement pendant que les juges examineront le dossier, ce qui pourrait prendre des mois.

"Après l'invocation de l'urgence nationale, les modalités de la construction du mur par décret présidentiel seront aussi obscures qu'une tempête en pleine nuit. Mais cela permettra au moins au président de sortir du coin du ring où il s'est lui-même enfermé", relève Charles Gabriel, analyse à Capital Alpha Partners.

Déclarer l'état d'urgence ne serait pas sans risques. Certains s'en inquiètent au sein même du Parti républicain, évoquant un dangereux précédent.

"Si Trump franchit le Rubicon, qu'est-ce qui empêchera un président démocrate de déclarer l''état d'urgence' sur le changement climatique et/ou le système de santé, dès le jour de son investiture ?" s'interroge Chris Krueger, analyste du Cowen Washington Research Group, dans une note.

L'agence de notation Fitch a fait savoir mercredi qu'elle pourrait réduire sa note de crédit "triple A" des Etats-Unis cette année si l'impasse budgétaire actuelle se prolonge.

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(Pierre Sérisier, Jean-Philippe Lefief, Jean Terzian et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Henri-Pierre André)