L'homme fort des JO de Tokyo en 2020 poursuivi en France

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PARIS/TOKYO (Reuters) - Le président du Comité olympique (CO) japonais a été mis en examen en France le 10 décembre dernier pour corruption active dans le cadre de l'attribution des Jeux olympiques de 2020 à Tokyo, a annoncé vendredi le parquet national financier (PNF).

Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke, qui l'a entendu, soupçonne Tsunekazu Takeda, qui est aussi vice-président du Comité d'organisation des JO de Tokyo, d'avoir versé des pots-de-vin en deux virements.

Selon Le Monde, qui a révélé l'information, il s'agissait notamment de rallier le soutien de membres africains du Comité international olympique (CIO) à la candidature de Tokyo.

Dans une déclaration publiée à Tokyo, Tsunekazu Takeda a rejeté les accusations de corruption. Il a cependant confirmé qu'il avait été interrogé à Paris et assuré qu'il coopérait à l'enquête des autorités judiciaires françaises.

La gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, a dit pour sa part être "très surprise" par les informations provenant de Paris.

De son côté, la commission d'éthique du CIO a annoncé avoir ouvert une enquête et être en contact étroit avec les autorités judiciaires françaises.

"La commission d'éthique du CIO (...) continuera à suivra la situation et se réunit aujourd'hui", a-t-elle annoncé dans un communiqué. "M. Takeda continue à bénéficier pleinement de la présomption d'innocence."

Selon Le Monde, les deux virements autorisés par Tsunekazu Takeda ont été effectués le 30 juillet et le 28 octobre 2013 en faveur de Black Tidings, société basée à Singapour, pour un montant global de 1,8 million d'euros.

"Ce que le comité de candidature a versé à Black Tidings dans le cadre d'un contrat de consultance était licite et j'ai expliqué que rien d'illégal, tel que de la corruption, n'avait été commis", a pour sa part dit Tsunekazu Takeda. Ce que des responsables japonais et une commission mise en place par le CO japonais avaient déjà déclaré dans le passé.

Cet homme de 71 ans, pilier de l'olympisme au Japon, a participé à cinq Jeux Olympiques depuis ceux de Munich en 1972, comme cavalier, puis entraîneur de l'équipe d'équitation de son pays, dont il préside le Comité Olympique depuis 2001.

PAS DE LIEN AVEC L'AFFAIRE GHOSN

La date de sa mise en examen par la justice française correspond à celle de l'inculpation du PDG de Renault et ex-patron de l'alliance Renault-Nissan Carlos Ghosn au Japon pour malversations financières. Une source proche du dossier assure à Paris qu'il "n'y a aucun lien entre les deux affaires".

Il s'agit en fait d'une affaire mise au jour dans le cadre d'une information judiciaire beaucoup plus large, ouverte en 2015 par le PNF sur dénonciation de l'Agence mondiale anti-dopage, impliquant l'ex-patron de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), le sénégalais Lamine Diack, lui-même mis en examen par la justice française.

C'est la cellule anti-blanchiment Tracfin qui a repéré les deux virements en question, dont le véritable bénéficiaire, explique Le Monde, ne serait autre que le fils de Lamine Diack, Papa Massata Diack, visé par un mandat d'arrêt international.

Papa Massata Diack est déjà soupçonné d'avoir convaincu des membres africains du CIO de voter en faveur de l'attribution des JO de 2016 à Rio.

Lamine Diack est pour sa part soupçonné d'avoir joué de son influence sur des membres africains du CIO en 2013 pour l'attribution des JO de 2020 à Tokyo, ajoute le quotidien.

Ce sous-dossier JO de Tokyo a été joint à l'information judiciaire principale en juillet 2017.

Tsunekazu Takeda assure qu'il n'était pas au courant des relations entre le propriétaire officiel de Black Tidings, Ian Tan Tong Han, et Papa Massata Diack, jusqu'à ce qu'il l'apprenne par la presse. Il a assuré qu'il n'avait pas rencontré Ian Tan.

"Je présente mes excuses pour l'immense souci causé au peuple du Japon, qui a tant soutenu les JO de Tokyo et les jeux paralympiques", a-t-il ajouté. "Afin de lever tout doute, je continuerai à coopérer aux investigations."

(Emmanuel Jarry, avec Ami Miyazaki et Elaine Lies à Tokyo, et Karolos Grohmann, édité par Yves Clarisse)