Fayulu se dit vainqueur de la présidentielle en RDC

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Fayulu va contester en justice le resultat de la presidentielle en rdc[reuters.com]
(Crédits : Baz Ratner)

par Stanis Bujakera

KINSHASA (Reuters) - Martin Fayulu, candidat de la coalition d'opposition Lamuka arrivé officiellement deuxième de l'élection présidentielle du 30 décembre en République démocratique du Congo (RDC), a affirmé vendredi qu'il avait largement remporté le scrutin.

Il déposera une plainte pour fraude devant la Cour constitutionnelle samedi à 09h00 (08h00 GMT), a-t-il précisé. "Quand on sait qu'on est dans son droit, on ne peut pas rester chez soi", a-t-il lancé, appelant ses partisans à "se lever".

Son équipe de campagne affirme qu'il a recueilli 61,51% des voix, contre seulement 18,86% pour le vainqueur proclamé, Félix Tshisekedi, un autre opposant, candidat de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) - que les résultats provisoires de la commission électorale créditent de 38,57% des voix.

Le candidat soutenu par le président sortant Joseph Kabila, l'ancien ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, est arrivé en troisième position avec 18,49%, a précisé Fidèle Babala, responsable de la campagne de Fayulu.

"Nous savons bien que la Cour constitutionnelle est composée de partisans de Kabila mais nous ne voulons pas qu'ils disent que nous n'avons pas suivi la loi. Nous voulons faire tout ce que nous pouvons pour avoir un résultat juste et clair", a déclaré Martin Fayulu à la BBC.

Dans un entretien accordé la veille à Radio France Internationale (RFI), Fayulu, donné largement favori par les sondages avant le scrutin, avait déjà dénoncé un "putsch électoral" et "des résultats qui n'ont rien à voir avec la vérité des urnes".

Les résultats de l'élection ont été annoncés dans les premières heures de jeudi par la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui avait déployé 40.000 scrutateurs le jour du scrutin, a déclaré que le vainqueur annoncé par la Céni ne correspondait pas à celui issu de son propre décompte.

TENSIONS

La Cenco n'a pas donné le nom de celui qu'elle considère comme le vainqueur mais selon trois diplomates il s'agit bien de Martin Fayulu.

La France et la Belgique ont exprimé des doutes sur les résultats officiellement annoncés.

Lors d'une téléconférence vendredi avec le Conseil de sécurité de l'Onu, le président de la Céni, Corneille Nangaa, a défendu la crédibilité du scrutin et critiqué la Cenco. "Je serais très intéressé de savoir pour quel parti elle (la Cenco) travaille", a-t-il dit. "Je mets quiconque au défi de dire que la Cenco a pu collecter tous les résultats."

Participant également à cette téléconférence, le président de la Cenco, Marcel Utembi, a assuré que la conférence épiscopale était indépendante et qu'elle avait pu vérifier 72% des suffrages.

La responsable de la mission de paix de l'Onu au Congo, Leila Zerrougui, a cité les rapports préliminaires de ses services selon lesquels le scrutin "s'est déroulé de manière satisfaisante malgré les problèmes techniques, logistiques et de sécurité".

Des notes internes de l'Onu que Reuters a pu consulter font toutefois mention d'accusations d'irrégularités. Des miliciens auraient notamment forcé des électeurs à voter pour des candidats présentés par le pouvoir.

La suspicion régnait avant même la proclamation des résultats, des observateurs ayant signalé des irrégularités et des rumeurs faisant état de négociations secrètes entre le gouvernement de Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, soutenu par l'ancien président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe, en vue d'un partage du pouvoir.

La tension est palpable dans le pays. A Goma, une ville de l'Est, la police a affronté vendredi des manifestants. Les affrontements ont fait au moins un mort.

A Kisangani, la police et l'armée sont intervenues contre des étudiants qui manifestaient. A Mangobo, près de Kisangani, un bureau du parti au pouvoir a été incendié.

Quatre manifestants ont été tués par les forces de l'ordre jeudi lors d'affrontements à Kikwit.

(Avec Giulia Paravicini à Kinshasa et Aaron Ross à Dakar; Jean Terzian, Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel pour le service français)