L’UE veut abandonner l'unanimité dans le domaine fiscal

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(Crédits : Yves Herman)

STRASBOURG (Reuters) - La Commission européenne a proposé mardi une "feuille de route" sur six ans censée permettre l'adoption progressive de règles fiscales communes à la majorité qualifiée des Etats, dont chaque étape devra néanmoins être décidée par un vote à l'unanimité.

Le dispositif vise à sortir de l'impasse, encore constatée en décembre avec le projet avorté de taxation des géants du numérique, dès qu'il s'agit pour les Etats de s'accorder en matière de fiscalité, l'une des dernières prérogatives qui leur permet de se faire concurrence.

"Nous invitons les Etats membres à engager le débat sur le moyen de décider plus efficacement dans ce domaine sensible et stratégique. L'unanimité n'est plus un rempart, c'est un obstacle", a plaidé le commissaire aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, lors d'une conférence de presse à Strasbourg.

Seule une improbable réforme des traités permettrait de faire passer la politique fiscale de l'UE de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée. En revanche, une clause dite "passerelle" du traité sur l'Union européenne permet aux Etats de décider à l'unanimité de statuer à la majorité qualifiée dans un domaine de compétence donné.

C'est cette clause que la Commission suggère de mettre en oeuvre en commençant par "les sujets les plus consensuels, les plus évidents", selon Pierre Moscovici, comme la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale ou les initiatives administratives en faveur des entreprises.

Une deuxième étape concernerait les mesures fiscales destinées à soutenir des "objectifs stratégiques" tels que la lutte contre le changement climatique, la santé publique ou la protection de l'environnement.

La troisième étape "permettrait de moderniser les règles de l'UE déjà harmonisées", telles que celles relatives à la TVA.

Le quatrième, enfin, toucherait aux "grands projets fiscaux tels que l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (un autre projet de la Commission qui n'a pas pu aboutir) et un nouveau système de taxation de l'économie numérique".

Nous serions alors en 2025, espère la Commission, dont le mandat s'achèvera en mai prochain. Dans l'immédiat, elle ne peut qu'inviter les Etats à débattre et à "approuver" sa feuille de route.

La Commission européenne a proposé en mars une taxe de 3% sur le chiffre d'affaires européen des entreprises comme Google, Apple, Facebook ou Amazon, afin de contrer leur tendance à l'optimisation fiscale en déclarant leurs profits réalisés en Europe dans des Etats où les taxes sont faibles, comme le Luxembourg et l'Irlande.

"La Commission dresse un écran de fumée devant nos yeux", a dit l'eurodéputé allemand Sven Giegold qui siège au comité du Parlement européen sur l'évasion fiscale.

"Le projet visant à lever les blocages à la règle de l'unanimité via une décision qui doit être prise à l'unanimité est absurde et de toute évidence inopérante", a-t-il ajouté.

Dans son document, la Commission juge que l'échec d'une tentative de réforme de la base fiscale des entreprises, proposée en 2011, a freiné la croissance et représente un manque à gagner de 180 milliards d'euros pour la seule année 2017.

L'absence d'accord sur un projet de taxation des transactions financières, initié en 2011, prive le bloc européen de son côté de 57 milliards d'euros de recettes fiscales par an.

(Gilbert Reilhac et Francesco Guarascio, Juliette Rouillon pour le service fraçais, édité par Yves Clarisse)