Le Parlement britannique rejette largement l'accord de Brexit

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(Crédits : Reuters Tv)

par William James, Kylie MacLellan et Elizabeth Piper

LONDRES (Reuters) - La chambre des Communes du Parlement de Westminster a infligé mardi une défaite retentissante à Theresa May en rejetant à une écrasante majorité l'accord de sortie de l'Union européenne qu'elle avait négocié pendant de longs mois avec Bruxelles, plongeant le pays dans l'incertitude.

Les députés ont rejeté par 432 voix contre 202 l'accord de Brexit, ignorant les suppliques de la Première ministre, qui avait répété un peu plus tôt qu'un tel vote aurait de grandes chances de se traduire par un abandon du Brexit ou par une sortie sans accord ("no deal") très préjudiciable pour l'économie britannique.

Evoquant une "défaite catastrophique" pour le gouvernement lors de ce vote "historique", le chef de file de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, a annoncé le dépôt d'une motion de censure. La motion sera débattue mercredi à partir de 13h00 GMT et soumise au vote de la chambre des Communes vers 19h00 GMT.

Les unionistes nord-irlandais du DUP, qui ont voté contre l'accord de Brexit en raison des vives craintes suscitées par la clause de sauvegarde irlandaise ("backstop"), ont annoncé qu'ils soutiendraient Theresa May lors de ce vote de défiance.

Mais même si la Première ministre échappe à la censure, sa tâche apparaît quasi insurmontable, l'Union européenne s'étant dite à de multiples reprises opposée à toute renégociation en profondeur de l'accord - une position réaffirmée mardi soir par le chancelier autrichien Sebastian Kurz.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a constaté de son côté que le risque de Brexit désordonné s'était considérablement "accru".

"Bien que nous ne souhaitions pas que cela se produise, la Commission européenne va poursuivre ses préparatifs pour faire en sorte que l'UE soit parfaitement prête", a-t-il dit dans un communiqué.

Theresa May ne dispose que de quelques jours pour élaborer un "plan B" qu'elle s'est engagée à venir présenter lundi devant le Parlement.

Compte tenu de l'ampleur du rejet de l'accord, il semble peu probable que le rapport de force puisse évoluer d'ici là, ce qui devrait dissuader la Première ministre de soumettre une nouvelle fois le texte au vote, comme il en était question.

INCERTITUDE

S'exprimant à l'issue du vote des députés, Theresa May s'est dite prête à aborder les futures discussions de manière "constructive", tout en soulignant que son gouvernement ne ferait que des propositions "réalistes".

Elle a clamé sa volonté de voir le Royaume-Uni sortir de l'Union européenne "avec un accord" à la date prévue, le 29 mars à minuit.

La Première ministre avait auparavant exclu de convoquer un nouveau référendum ou des élections législatives anticipées, réclamées notamment par Jeremy Corbyn, en faisant valoir que cela ne ferait qu'accroître "les incertitudes et les divisions" et repousser la date du Brexit.

Le chef du Labour a rappelé de son côté qu'il n'y avait pas au Parlement de majorité en faveur d'un Brexit sans accord. Il a réclamé par conséquent que "toutes les options soient sur la table" lors des prochains jours, y compris celle d'une réouverture des négociations avec l'UE.

A l'autre bout de l'échiquier, Dominic Raab, qui a démissionné en novembre dernier de son poste de ministre du Brexit pour protester contre l'accord négocié par Theresa May, avait jugé avant le vote qu'il était au contraire temps pour le Royaume-Uni de se préparer à un "no deal".

"Il est temps que nous montrions clairement, par ce vote, que non seulement les termes actuels sont inacceptables mais que nous n'allons pas rester les bras en l'air. Nous allons partir le 29 mars", a dit ce farouche partisan du Brexit.

Pour les Brexiters comme les Remainers, le texte de 585 pages négocié pendant plus d'un an équivalait à céder du pouvoir à l'UE sans obtenir les bénéfices attendus d'une plus grande autonomie.

C'est la clause de "sauvegarde" ("backstop") prévue dans le projet d'accord, destinée à empêcher le rétablissement d'une frontière physique entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord et instituant de fait un statut spécifique pour cette dernière, qui constituait la principale source de blocage.

Les dirigeants européens avaient promis lundi dans un courrier adressé à Theresa May qu'ils chercheraient les moyens d'empêcher d'activer cette clause de sauvegarde, mais cela n'a pas convaincu les parlementaires récalcitrants.

Après le rejet de l'accord, la livre sterling a nettement rebondi sur ses plus bas du jour, regagnant plus d'un cent au-dessus de 1,28 dollar GBP=D3.

(Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français, édité par Eric Faye)