Le Royaume-Uni en quête de compromis après l'humiliation de May

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(Crédits : Toby Melville)

par Andrew MacAskill

LONDRES (Reuters) - Theresa May tentait mercredi de faire émerger une solution de compromis sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne au lendemain de sa défaite écrasante au Parlement de Westminster, qui a rejeté à une écrasante majorité (432 voix contre 202) l'accord de Brexit qu'elle avait négocié avec Bruxelles.

Malgré cette humiliation, la plus cuisante jamais infligée à un dirigeant britannique de mémoire d'homme, Theresa May devrait survivre politiquement au vote, en début de soirée, de la motion de censure déposée par l'opposition travailliste, les frondeurs conservateurs comme les unionistes nord-irlandais du DUP s'étant dit prêts à la soutenir.

Le vote de défiance est programmé à 19h00 GMT au terme d'une après-midi de débats à la Chambre des communes.

A dix semaines du Brexit, fixé au 29 mars en application de l'article 50 des traités européens, date que Theresa May s'est une fois encore engagée à respecter mercredi, le Royaume-Uni est plongé dans sa plus grave crise politique de l'après-guerre, ne sachant pas comment, ou même si il va pouvoir sortir de l'Union européenne.

Theresa May a fait part de son intention de discuter avec les parlementaires les plus influents pour essayer de faire émerger du chaos une solution de compromis qui permettrait d'éviter à la fois un Brexit désordonné et la tenue d'un second référendum - deux issues auxquelles le gouvernement se montre vivement opposé.

"La Première ministre, lorsqu'elle aura passé cette journée, en supposant que ce sera le cas, prendra l'initiative de parler avec les principaux parlementaires", a déclaré la ministre en charge des relations avec la Chambre des communes, Andrea Leadsom.

LE LABOUR TEND LA MAIN À MAY

Theresa May s'entretiendra aussi bien avec l'opposition travailliste qu'avec le DUP, qui soutient son gouvernement, et les élus de son propre parti conservateur, a-t-elle précisé.

Un responsable du Labour, John McDonnell, ministre des Finances du cabinet fantôme travailliste, a laissé entendre mercredi que son parti pourrait voter en faveur d'un plan de Brexit présenté par Theresa May si la dirigeante accepte de faire des concessions, notamment le maintien du pays dans l'union douanière.

"Nous soutiendrons un accord qui réunisse le pays, protège les emplois et soutienne l'économie. Nous menons cette politique de la main tendue depuis le début. Pendant deux ans, elle a refusé tout contact", a-t-il déclaré à Reuters.

Le Labour réclame la convocation d'élections législatives anticipées qu'il aurait de grandes chances de remporter, assurant pourvoir négocier par la suite un meilleur accord de Brexit.

Mais de nombreux élus travaillistes semblent aussi s'être ralliés à l'idée d'un second référendum qui poserait clairement la question d'un abandon de la sortie de l'Union européenne, qu'ils pourraient mettre sur la table si Theresa May réchappe à la motion de censure.

Signe que l'idée fait son chemin, le principal promoteur du Brexit, l'ancien dirigeant de l'Ukip (Parti de l'indépendance du Royaume-Uni), Nigel Farage, a dit mercredi matin sur Sky News s'attendre à "un report (du Brexit) et, probablement oui, à un second vote".

Cette hypothèse alimente aussi l'optimisme des marchés financiers, ce qui profite notamment à la livre sterling, qui a gagné plus d'un cent par rapport au dollar depuis le vote du Parlement.

LA COMMISSION ATTEND DES CONCESSIONS DE LONDRES

Constatant qu'un "no deal" très préjudiciable à l'économie britannique aurait encore moins les faveur du Parlement que l'accord négocié avec Bruxelles, Theresa May avait elle même souligné mardi que le rejet du texte renforcerait sensiblement l'hypothèse d'un abandon du Brexit - une issue dont elle estime qu'elle serait "catastrophique" pour la démocratie.

Face aux atermoiements de Londres, la Commission européenne a répété mercredi que l'accord de Brexit n'était pas ouvert à la renégociation.

Son porte-parole en chef, Margaritis Schinas, a en revanche entrouvert la porte à une réécriture de la déclaration politique sur les futures relations commerciales entre les Vingt-Sept et le Royaume-Uni dans l'hypothèse où le gouvernement britannique serait lui-même disposé à faire des concessions.

Des responsables européens ont déclaré par un passé récent que l'UE pourrait faire preuve de davantage de souplesse si Londres renonçait par exemple à faire figurer dans l'accord de Brexit son refus de rester dans l'union douanière de manière permanente.

Une telle inflexion, souligne-t-on à Bruxelles, présenterait l'avantage d'atténuer la crispation autour de la clause de sauvegarde sur la frontière irlandaise ("backstop"), qui a précipité le rejet massif de l'accord.

Elle irait aussi dans le sens de la main tendue à Theresa May par l'opposition travailliste mais ne ferait qu'exacerber les tensions avec les "brexiters" qui veulent avoir la garantie que le Royaume-Uni coupera tous les ponts avec l'UE.

(Tangi Salaün pour le service français)