"Gilets jaunes" : Aux revendications, l'exécutif répond évaluations

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gilets jaunes: aux revendications, l'executif repond evaluations[reuters.com]
(Crédits : Jean-Paul Pelissier)

PARIS (Reuters) - Au lendemain du coup d'envoi du grand débat national, l'exécutif a appelé mercredi les Français à attendre les évaluations de la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) et des 80km/h avant d'envisager un retour en arrière sur ces mesures emblématiques.

Ces deux questions figurent parmi les revendications inscrites dans les cahiers de doléances ouverts pour plusieurs semaines dans des milliers de mairies en réponse à la crise des "Gilets jaunes" qui secoue la France depuis deux mois.

Lors d'un échange marathon de plus de 6h30 mardi avec quelque 650 maires normands dans l'Eure, Emmanuel Macron a semblé ouvrir la voie, sous conditions, à de possibles aménagements à la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires.

Défendue par le Premier ministre Edouard Philippe, cette mesure fortement contestée, parfois même par des membres du gouvernement dont l'ex-ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, est entrée en vigueur le 1er juillet 2018 et doit faire l'objet d'un premier bilan en 2020.

"Il y a des propositions qui ont été faites par le gouvernement, il y a une bronca, est-ce qu'il faut tout arrêter ? Franchement non", a dit Emmanuel Macron. "Est-ce qu'on peut faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent? Sans doute oui".

Interrogé sur ces propos mercredi à l'issue du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a indiqué qu'il ne fermerait "aucune des questions (...) sinon vous me feriez le procès que les dés sont pipés avant même que le débat n'ait commencé".

"Est-ce que le président de la République a annoncé hier la suppression de cette mesure? La réponse est non. Pourquoi? Parce que le Premier ministre et l'ensemble du gouvernement est convaincu que lorsque vous avez des vitesses excessives c'est plus accidentogène", a-t-il souligné.

La mesure des 80km/h "a été prise au 1er juillet 2018 et elle est applicable pour deux années à l'issue desquelles il y a une évaluation. Dans l'hypothèse où l'évaluation n'est pas la bonne, sans rien faire, la mesure tombe d'elle même", a-t-il ajouté. "Vous voyez bien qu'il n'y a de dogmatisme".

L'opposition de droite demande d'abroger sans attendre une mesure "symbolique d'une France d'en haut qui n'écoute plus les Français d'en bas", a estimé le député Les Républicains Damien Abad à l'Assemblée nationale.

La France insoumise fustige quant à elle un débat inutile. "C'est 'cause toujours, je donne les réponses et je décide'", a dit à Reuters le député LFI Eric Coquerel.

"HYGIÈNE DÉMOCRATIQUE"

Sur la question de l'ISF et de sa transformation contestée en impôt sur la fortune immobilière (IFI) - promesse de campagne d'Emmanuel Macron -, le chef de l'Etat a dit "qu'il y avait une bonne règle démocratique, c'était : quand on a été élu sur un programme appliquer le programme sur lequel on a été élu".

"Ça me semble être de bonne hygiène démocratique", a dit Benjamin Griveaux, rappelant que la loi de Finances votée en décembre 2017 "comprend un élément d'évaluation réalisée par des parlementaires de tous bords et des experts". Ce comité doit remettre un premier rapport d'évaluation à l'automne.

A la question de savoir si l'exécutif pourrait rétablir l'ISF si une majorité de Français le réclamaient, Benjamin Griveaux a refusé "de présager à la mi-janvier des résultats du grand débat national" qui seront rendus avant la fin mars.

"Attendons les résultats de ces débats, je suis certain que la question sera abordée (...) mais il est important de rappeler qu'il y a une légitimité dans ce pays qui est liée à la démocratie représentative, qu'il y a eu des élections, que rien n'a été caché dans le projet politique du président", a-t-il dit. "Qu'il faille enrichir la démocratie représentative par ce travail de débat, de co-construction, pendant l'exercice d'un quinquennat (....) bien sûr mais ça ne peut pas être détricoter en permanence ce que vous avez fait moins de 12 mois avant sans même avoir pu l'évaluer".

L'issue du grand débat et la prise en compte par l'exécutif de positions exprimées est l'un des points de crispations entre le gouvernement, les "Gilets jaunes" et une partie de l'opposition - les deux derniers mettant en doute la sincérité de l'exercice et dénonçant un "enfumage".

(Marine Pennetier avec Jean-Baptiste Vey et Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)