Un rapport dénonce la tolérance du sexisme en France

reuters.com  |   |  566  mots
Un rapport denonce la tolerance du sexisme en france[reuters.com]
(Crédits : Jean-Paul Pelissier)

PARIS (Reuters) - Le sexisme dont sont principalement victimes les femmes continue de bénéficier en France d'un grande tolérance sociale, malgré une prise de conscience croissante de sa nocivité, estime le Haut Conseil à l'Egalité (HCE) dans un rapport publié jeudi, qui dresse pour la première fois un état des lieux de ce phénomène.

Les actes sexistes de toute nature, des propos au viol ou même au meurtre en passant par les menaces et l'entrave à l'avortement, sont massivement commis par des hommes contre des femmes, constate le HCE, qui dénonce une "idéologie dangereuse".

"Toutes infractions pénales confondues, 89% des victimes d'actes sexistes sont des femmes et 91% des mis en cause sont des hommes", notent les auteurs du rapport.

Selon celui-ci, quatre femmes sur dix disent avoir subi récemment une injustice ou une humiliation en raison de leur sexe. Pour les jeunes femmes la proportion monte à cinq sur 10.

Le HCE se penche particulièrement sur deux manifestations quotidiennes du sexisme jouissant d'une grande tolérance sociale en France : le recours au sexisme dans l'humour et les insultes.

Il a conduit en novembre 2017 une étude sur un échantillon de chroniques humoristiques dans les matinales des radios les plus écoutées, sur les vidéos de deux "youtubeurs" populaires et les "blagues du jour" du site internet blague.info.

Il en ressort que 71% des chroniques radio ont recours à des ressorts sexistes, comme cinq des six vidéos les plus populaires des deux "youtubeurs" et un tiers des "blagues du jour" : "On y rit souvent des femmes mais sans les femmes", souligne le HCE.

Selon le rapport, 1,2 million de femmes ont été la cible d'injures sexistes en 2017 (près d'une femme sur 20), le plus souvent de la part d'anonymes dans la rue ou les transports.

"Dans 64% des cas, l'insulte contient les mots 'salope' (27%), 'pute' (21%) ou 'connasse' (16%)", précisent ses auteurs, selon qui la victime ne connaissait pas son agresseur dans 70% de ces faits, commis à 66% dans un espace public.

DES CONDAMNATIONS MARGINALES

Bien que condamnable par la loi, les injures sexistes ne font l'objet de plaintes que dans 3% des cas et seulement quatre condamnations ont été prononcées en 2017.

La tolérance dont jouissent ces phénomènes contribue à renforcer "l'entre-soi masculin", à entretenir la misogynie ambiante et les stéréotypes, à dévaloriser l'image des femmes et à légitimer les inégalités liées au sexe, souligne le rapport.

Cette tolérance s'observe en réalité vis-à-vis de l'ensemble des actes sexistes, ajoutent ses auteurs.

Selon le ministère de l'Intérieur, le taux moyen de plainte des victimes d'actes sexistes n'a été que de 2,9% sur la période 2011-2017 et seules 17% de ces plainte ont abouti en 2017 à une condamnation (28.398 personnes condamnées).

"Le Haut conseil à l'égalité alerte sur l'urgence de renforcer la connaissance de ce qu'est le sexisme pour faire décroître le niveau de tolérance du grand public, des victimes et des témoins", lit-on dans le rapport.

Le HCE propose de lancer un premier "plan national contre le sexisme" pour la période 2019-2022, avec 24 mesures portant sur cinq axes : améliorer la mesure du phénomène, mieux sensibiliser l'opinion et les pouvoirs publics, systématiser le traitement judiciaire, mieux accompagner les victimes et mieux prendre en compte la lutte contre le sexisme dans les politiques publiques.

(Emmanuel Jarry, édité par Julie Carriat)