Renault : Une semaine décisive pour l'après-Ghosn

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(Crédits : Vincent Kessler)

par Gilles Guillaume

PARIS (Reuters) - Le conseil d'administration de Renault qui mettra fin aux fonctions de PDG de Carlos Ghosn et choisira une nouvelle direction pour tenter de tourner la page sur deux mois de crise de gouvernance devrait se réunir dans le courant de la semaine, ont dit à Reuters plusieurs sources proches du dossier.

Après la prolongation mardi dernier de la détention de Carlos Ghosn, incarcéré pour des accusations de malversations financières depuis le 19 novembre au Japon, l'Etat, principal actionnaire du groupe au losange, a lancé le processus de succession à la tête de Renault.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait précisé mercredi avoir demandé que le conseil de Renault soit convoqué "dans les prochains jours". Des sources avaient alors indiqué que le comité des nominations pourrait se réunir dès le week-end, réunion suivie par une session du conseil dans son entier dimanche ou lundi.

Au vu des délais habituels de convocation des administrateurs, le conseil ne semblait pas, dimanche en fin de journée, devoir se réunir de manière formelle avant mardi ou mercredi, ont dit deux sources.

Selon les Echos, Renault est par ailleurs en train de calculer les indemnités, les pensions de retraite et les rémunérations variables auxquelles Carlos Ghosn peut prétendre. "Un petit casse-tête, vu que les parts variables de son salaire et les actions de performance sont en général soumises à des conditions de présence et de résultat", écrit le quotidien économique sur son site internet. Selon lui, les négociations avec le PDG "empêché" sont en cours.

Contrairement à Nissan et Mitsubishi - contrôlé à 34% par Nissan - qui ont rapidement limogé Carlos Ghosn de ses fonctions de président, Renault a choisi d'opter pour une direction intérimaire, l'administrateur référent, Philippe Lagayette, assurant la présidence du conseil d'administration et le directeur général adjoint, Thierry Bolloré, la direction générale.

S'il a souligné vendredi que cette gouvernance transitoire "fonctionne efficacement", Philippe Lagayette a précisé que "puisque l'indisponibilité du PDG semble devoir durer, nous avons maintenant la responsabilité de prendre des mesures durables".

SENARD A UNE COMPÉTENCE RECONNUE-LE MAIRE

Pour incarner cette solution pérenne, sur laquelle Carlos Ghosn était censé travailler avant que l'affaire n'éclate, l'actuel président de Michelin tient toujours la corde.

Fort de quarante ans de carrière au sein de plusieurs fleurons industriels français - Total, Saint-Gobain et Pechiney - Jean-Dominique Senard est favori pour prendre la présidence de Renault, tandis que Thierry Bolloré pourrait être confirmé au poste de directeur général.

Une source proche des discussions a précisé toutefois que l'Etat français et ses conseillers étudiaient aussi d'autres candidats pour le poste de DG, dont le vice-président exécutif de Toyota, le nordiste Didier Leroy, et un autre manager.

Jean-Dominique Senard pourrait aussi reprendre l'ensemble des fonctions de PDG, a dit une autre source.

"(Il) a une compétence reconnue dans le secteur automobile. Chez Michelin, il a démontré sa capacité à réussir à la tête d'un grand groupe industriel et il a une conception sociale de l'entreprise à laquelle je suis personnellement attaché", a déclaré Bruno Le Maire dans le Journal du dimanche. Avant de préciser que la décision revenait au conseil d'administration.

Le ministre de l'Economie a également indiqué qu'un rééquilibrage actionnarial et une modification des participations croisées entre Renault et Nissan, un sujet toujours brûlant au sein de l'alliance franco-japonaise, "n'était pas sur la table".

Pourtant, l'agence de presse japonaise Nikkei a rapporté dimanche que la délégation composée de représentants de Renault et de l'Etat français qui vient de se rendre au Japon souhaitait procéder à l'intégration de Renault et Nissan dans une nouvelle structure coiffée par une nouvelle holding.

Le comité spécial mis en place par Nissan pour examiner les causes des malversations présumées de son ex-président a indiqué par ailleurs que le constructeur japonais semblait souffrir de procédures de gouvernance médiocres et Carlos Ghosn avoir une conception douteuse de l'éthique.

Inculpé de trois chefs d'accusation de malversations financières, pour avoir notamment minimisé son salaire pendant huit ans et transféré temporairement chez Nissan des pertes personnelles, l'ancien homme fort de la première alliance automobile mondiale nie les accusations portées contre lui.

Le JDD rapporte aussi que son épouse Carole Ghosn a écrit à Emmanuel Macron pour qu'il s'assure "de la détermination de la République française à garantir à ses ressortissants le droit à un procès équitable."

(Avec Laurence Frost, Emmanuel Jarry, Jean Terzian, Sophie Louet et Benjamin Mallet à Paris, Takashi Umekawa et Maki Shiraki à Tokyo, Gilles Guillaume, édité par Marc Joanny)