Selon Juncker, personne en Europe ne s'opposerait à un report du Brexit

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Juncker: si londres demande une extension des discussions, nul ne s'y opposera[reuters.com]
(Crédits : Yves Herman)

BRUXELLES (Reuters) - A 39 jours de la date fixée pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, le ministre britannique chargé du Brexit, Stephen Barclay, a déclaré avoir eu une rencontre "positive" lundi à Bruxelles avec le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier.

Les deux hommes ont convenu de se revoir en milieu de semaine, a-t-il ajouté. Barclay était accompagné de Geoffrey Cox, le procureur général et conseiller juridique du gouvernement britannique, qui a exposé son analyse juridique des moyens de surmonter l'impasse au sujet du "backstop" nord-irlandais.

C'est sur ce dispositif prévu pour éviter en dernier recours le rétablissement d'une frontière physique à travers l'île d'Irlande que se focalisent les critiques des plus fervents "Brexiters" à la Chambre des communes, bloquant de fait toute ratification de l'accord de retrait aux 584 pages difficilement négociées.

De son côté, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, relève dans une interview accordée au quotidien allemand Stuttgarter Zeitung que si le gouvernement britannique demandait une extension des discussions sur le Brexit, personne en Europe ne s'y opposerait.

La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne est pour l'heure programmée le 29 mars prochain au soir. Mais Londres a la possibilité de demander une prolongation des négociations lancées en application de l'article 50 des traités européens.

Et face à l'incapacité de Theresa May de réunir une majorité à la Chambre des communes sur l'accord de retrait qu'elle a négocié avec Bruxelles et que les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept ont entériné en novembre dernier, l'idée de repousser la date du divorce semble pour de nombreux responsables européens la seule à même d'éviter le "saut dans le vide" qu'entraînerait un Brexit sans accord.

"UN DÉNOUEMENT INSENSÉ"

En Grande-Bretagne, où le numéro deux du gouvernement britannique a admis qu'il serait difficile de "rouvrir" l'accord de retrait, le quotidien The Guardian rapporte lundi soir que quatre ministres britanniques ont sommé May de cesser d'instrumentaliser la menace d'un Brexit sans accord afin de négocier.

Amber Rudd, ministre des Retraites, David Gauke (Justice) et leurs deux collègues ont transmis leur message lors d'une rencontre qui s'est tenue lundi avec May, à leur demande, précise le quotidien britannique.

Ils lui ont expliqué que si le "no deal" avait pu être une tactique de négociation pertinente, le nombre d'annonces alarmistes émanant ces dernières semaines des milieux économiques signifiait qu'il était temps à présent de l'exclure catégoriquement, ajoute le Guardian.

En dépit du revers qu'elle a essuyé jeudi dernier à la Chambre des communes, où elle n'a pas obtenu de majorité sur sa stratégie, Theresa May, qui devrait s'entretenir dans la semaine, sans doute mercredi, avec Juncker, dit vouloir persévérer dans sa volonté d'obtenir une réouverture de l'accord de retrait. Ce que les Européens rejettent.

Près de trois ans après le référendum de juin 2016 par lequel les électeurs britanniques se sont prononcés à un peu moins de 52% en faveur d'une sortie de l'UE, un divorce sans accord serait "un dénouement insensé", a réaffirmé lundi à Bruxelles le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, dans le pays est en première ligne.

"Nous avons moins de 40 jours avant que le Royaume-Uni ne quitte officiellement l'UE et nous ne savons toujours pas ce dont le gouvernement britannique a réellement besoin pour faire ratifier cet accord (ndlr, par les députés de la Chambre des communes)", a-t-il ajouté.

"TELLEMENT D'ÉCHÉANCES ONT DÉJÀ ÉTÉ ABANDONNÉES..."

Repousser la date du divorce, ainsi que le permettent les textes, permettrait de gagner du temps.

"Toute décision visant à demander davantage de temps relève du Royaume-Uni. Si une telle requête devait être formulée, nul en Europe ne s'y opposerait. Si vous me demandez de combien de temps ce retrait pourrait être repoussé, je n'ai aucun calendrier en tête", a déclaré Juncker à la Stuttgarter Zeitung.

La tenue des élections européennes étalées entre le 23 et le 26 mai prochain et la première séance du futur Parlement européen le 2 juillet, avec l'approbation par la suite du président de la future Commission européenne, fixent cependant une "limite naturelle" à une telle extension, autour de la fin juin.

Juncker ajoute pourtant qu'on ne peut exclure une extension allant encore au-delà, malgré les complications que cela entraînerait. A commencer par la question de la tenue d'élections européennes au Royaume-Uni.

"Sur le Brexit, tellement d'échéances ont déjà été abandonnées. Mais j'ai du mal à imaginer que les électeurs britanniques puissent participer à nouveau à des élections européennes. A mes yeux, ce serait une ironie de l'histoire. Pourtant, je ne peux pas l'exclure", dit le président de la Commission.

"Quand on en vient au Brexit, c'est comme comparaître devant les tribunaux ou naviguer en haute mer: nous sommes entre les mains de Dieu. Et nous ne pouvons même pas savoir de manière totalement sûre à quel moment Dieu prendra les choses en main", ajoute-t-il avec fatalisme.

(Jan Strupczewski et Gabriela Baczynska,; Henri-Pierre André pour le service français)