La pénalisation de l'antisionisme est très largement rejetée

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(Crédits : Gonzalo Fuentes)

PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron s'est prononcé mardi contre une loi punissant l'antisionisme au même titre que l'antisémitisme demandée par certains députés de sa majorité et qui, compte tenu des réactions à l'Assemblée, a peu de chances de voir le jour.

L'idée de lancer une résolution ou une proposition de loi en ce sens, notamment portée par le député La République en marche (LaRem) Sylvain Maillard, a été examinée mardi en réunion de groupe.

"Je ne pense pas que pénaliser l'antisionisme soit une bonne solution", a dit le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse avec la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili.

"Ceux qui aujourd'hui dans le discours veulent la disparition d'Israël sont ceux qui veulent s'attaquer aux Juifs", a-t-il reconnu. "Je pense néanmoins que lorsqu'on rentre dans le détail, la condamnation pénale de l'antisionisme pose d'autres problèmes."

En marge des commémorations du 75e anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv en 2017, Emmanuel Macron avait pourtant fait un parallèle entre les deux notions.

"Nous ne céderons rien à l'antisionisme car il est une forme réinventée de l'antisémitisme", avait-il dit, en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

FERRAND APPELLE À LA "PRUDENCE"

Mardi matin en réunion de groupe LaRem, Sylvain Maillard "a rappelé deux objectifs : mieux sanctionner ceux qui tiennent des propos antisémites et mieux travailler à la définition de l'antisémitisme", a rapporté le député Jean-Baptiste Djebbari.

"La proposition en l'état n'est pas reprise par le groupe. Nous aurons des discussions dans les prochaines semaines", a ajouté le porte-parole du groupe, qui se dit "à titre personnel réservé" sur la question d'un nouveau texte.

Comme lui, des députés de tous bords ont fait part de leur scepticisme quant à l'idée de punir l'antisionisme, soulignant notamment la difficulté de définir ce mot.

"Je suis réservé, j'appelle à la prudence et surtout à la réflexion très approfondie avant de faire des annonces intempestives", a déclaré sur BFM TV le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand.

"Nier le droit d'Israël à exister est évidemment inacceptable et dissimule bien souvent une forme d'antisémitisme, c'est indéniable", a-t-il dit.

"Ensuite, faut-il pour autant prendre une loi qui pourrait laisser entendre que critiquer la politique d'Israël (...) pourrait être assimilé à un délit ?" s'est-il interrogé, redoutant des "problèmes de discussion interminables".

Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, à l'initiative des rassemblements contre l'antisémitisme prévus ce mardi soir, a fait part lui aussi de ses doutes.

"Le problème est que la définition de l'antisionisme est très difficile à donner. Est-ce qu'il s'agit de nier l'existence d'Israël, de condamner la politique menée dans les colonies, la politique menée par la droite israélienne de Netanyahu ? Toute la difficulté est là : ne pas créer un délit d'opinion."

La députée La France insoumise Clémentine Autain a souligné pour sa part le danger de "mélanger deux questions" dans "un moment politique où il y a beaucoup de brouillage des repères, où on a besoin d'une très grande clarté."

"Il y a un arsenal juridique assez complet qui permet de sanctionner les propos antisémites", a considéré pour sa part le député communiste Sébastien Jumel. Christian Jacob président du groupe Les Républicains, s'est déclaré lui aussi opposé à un nouveau texte sur le sujet.

(Elizaabeth Pineau avec Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)