Benalla : Contre-attaque gouvernementale, silence de l'Elysée

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Benalla: l'elysee repondra a beaucoup de contre-verites du rapport du senat[reuters.com]
(Crédits : Gonzalo Fuentes)

PARIS (Reuters) - Le gouvernement a vivement réagi mercredi aux "contre-vérités" contenues selon lui dans le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur "l'affaire Benalla", l'Elysée refusant pour sa part de le commenter "par respect de la séparation des pouvoirs".

Au terme de six mois de travaux, la commission souhaite qu'Alexandre Benalla soit poursuivi pour "faux témoignage" et invite le parquet à s'intéresser aux "incohérences" des propos de collaborateurs de l'Elysée, dont le secrétaire général, Alexis Kohler, sur les agissements de l'ancien chargé de mission.

Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, avait annoncé que l'Elysée apporterait "des réponses factuelles sur manifestement beaucoup de contre-vérités qui se trouvent présentes dans le rapport".

"L'Elysée va prendre connaissance du rapport sénatorial et réagira prochainement aux propositions qui sont formulées par ce dernier", a fait savoir la présidence mercredi soir. L'Elysée "ne réagira pas en revanche sur le contenu de ce dernier par respect de la séparation des pouvoirs".

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a elle aussi invoqué la séparation des pouvoirs, estimant qu'elle n'était pas respectée par la commission du Sénat.

Les recommandations de la commission "concernent l'organisation interne de l'Elysée, il me semble qu'on n'est pas complètement dans le respect de la séparation des pouvoirs tel qu'il est prévu dans la Constitution", a-t-elle dit à BFM TV.

"Depuis le début, les sénateurs se comportent comme des juges politiques et essaient de faire de tout cela une affaire d'Etat. Or le rôle du Sénat, ce n'est pas d'être juge", abonde au haut responsable de la majorité.

"Plus ça va, plus on voit la dérive d'un homme. Mais il n'a pas été protégé, et d'ailleurs il est en prison", a-t-il dit à Reuters, alors qu'Alexandre Benalla a été placé mardi en détention provisoire.

Les remarques des deux ministres, "cela nous fait pas ciller du tout", a répliqué sur Public Sénat le président du groupe Les Républicains (LR) à la chambre haute, Bruno Retailleau. "Il faut des contre-pouvoirs en France".

"FEUILLETONNAGE GÊNANT"

La présentation du rapport du Sénat, majoritairement à droite, est le énième épisode d'une affaire qui est allée de rebondissement en rebondissement depuis le licenciement de l'Elysée d'Alexandre Benalla, en juillet.

Ses conclusions pointent des "dysfonctionnements majeurs au sein des services de l'Etat", accentuant encore l'impression de poison lent instillé par cette affaire dans le quinquennat d'Emmanuel Macron.

La cote du président s'est effondrée l'été dernier après les révélations par Le Monde des violences commises par Alexandre Benalla contre des manifestants en marge des défilés du 1er-Mai. Les mois suivants ont été marqués par la crise des "Gilets jaunes", à laquelle le chef de l'Etat a répondu par un "grand débat" et un discours de fermeté qui lui ont permis de regagner des couleurs dans l'opinion.

Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'institut de sondages Ifop, Emmanuel Macron n'est pas fragilisé par ces nouveaux développements, en tout cas pour l'instant.

"Les critiques à son égard portent sur tout autre chose : le pouvoir d'achat, le 'président des riches'", a-t-il dit à Reuters. "Pour autant, le feuilletonnage permanent autour de cette affaire est gênant."

Alors que la présidence réorganise ses services, le rapport des sénateurs cible trois très proches collaborateurs du chef de l'Etat venus témoigner devant la commission : le secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, le chef de cabinet, Patrick Strzoda, et le responsable du groupe de sécurité de la présidence, le général Lionel Lavergne.

"La commission a pu établir que plusieurs personnes entendues ont menti sur le périmètre exact des missions qui étaient confiées à M. Alexandre Benalla", souligne le rapport.

Ce nouvel épisode fait particulièrement de l'ombre à Alexis Kohler, dont le nom apparaît dans une enquête préliminaire ouverte l'an dernier par le parquet national financier, qui s'intéresse aux conditions dans lesquelles il a pu exercer certaines fonctions publiques malgré des liens familiaux avec l'armateur italo-suisse MSC.

(Elizabeth Pineau, Jean-Baptiste Vey, Marine Pennetier et Julie Carriat, édité par Yves Clarisse)