Cédric Villani, du génie mathématique à l'ambition politique

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Cedric villani, du genie mathematique a l'ambition politique[reuters.com]
(Crédits : Pool New)

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) - "Dans la vie, il faut voir les choses en grand, avec de l'ambition" : embarqué en politique presque par hasard il y a à peine deux ans, le mathématicien Cédric Villani a été happé au point d'envisager désormais un long voyage dans cet univers.

Maire de Paris, ministre, élu européen : le député de l'Essonne ne s'interdit rien, l'appétit stimulé après 20 ans passés dans le monde des sciences au plus haut niveau, auréolé en 2010 de la médaille Fields, récompense suprême d'une galaxie méconnue que le spécialiste de l'intelligence artificielle contribue à vulgariser auprès du grand public.

A 45 ans, l'enfant hyper timide devenu un "people" à l'allure unique que le promeneur de 2019 aime immortaliser en "selfie" - cheveux mi-longs de poète romantique, gilet surmonté d'une lavallière, broche en forme d'araignée sur l'épaule - a pris goût à la politique, discipline décriée qu'il entend raviver sur des thèmes et avec une rigueur bien personnels.

Dans son livre "Immersion, de la science au Parlement" (Flammarion), ce fils d'enseignants né à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) raconte ses premiers pas, parfois hésitants, de député et parle de ses convictions, de l'écologie à l'Europe en passant par l'amour de Paris et le désir constant de dresser des ponts entre science et politique.

"NE JAMAIS SE LIMITER"

"Après cette immersion, j'ai le sentiment qu'il y a beaucoup plus de possibilités et d'horizons qui s'offrent à moi", dit-il à Reuters, verbe précis et mains mobiles, dans son bureau avec une vue superbe sur le Palais-Bourbon, la place de la Concorde, jusqu'au Sacré-Coeur, et où trônent un portrait dédicacé de la chanteuse engagée Catherine Ribeiro et toutes sortes d'araignées, son animal fétiche, cadeaux d'êtres chers et souvenirs de voyages.

"Dans la vie, il faut voir les choses en grand, avec de l'ambition. Ne jamais être dans la prétention mais ne jamais se limiter. Les plus fortes barrières, les plus pernicieuses, sont psychologiques et j'entends bien ne jamais m'enfermer dans ces barrières", ajoute ce faux candide avec aplomb.

La bataille pour l'investiture de La République en marche (LaRem) en vue des municipales à Paris en 2020 ? Il la mènera jusqu'au bout, n'en déplaise à ceux qui militent en faveur d'un profil installé comme celui du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

"Je m'adapterai au calendrier, je suivrai les règles. Je suis dans la transparence, je ne fais pas mystère de mes intentions, je les mets sur la table et j'émets le voeu que des règles claires, transparentes, soient mises en place", dit-il, alors qu'une demi-douzaine de candidats sont sur les rangs.

Le processus de désignation reste flou. Tout juste le délégué général de LaRem, Stanislas Guerini, a-t-il prédit pour avril la mise en place d'une Commission nationale d'investiture.

Sans prétendre au privilège d'un signe d'Emmanuel Macron en sa faveur, Cédric Villani lui fait confiance pour installer les conditions d'une saine concurrence. "Il est important que les uns et les autres apportent leur point de vue, leur enrichissement", dit-il. "La position, telle qu'on la sent du président, c'est de veiller à faire émerger une compétition dans le bon sens du terme pour faire émerger de bonnes idées."

PARIS ET L'EUROPE

En attendant, il fait valoir ses atouts : élu aux confins du futur "Grand Paris", il évoque son expérience internationale dans des dizaines de pays "précieuse pour Paris, ville-monde", où il entend favoriser le "croisement des cultures".

Si sa candidature est retoquée, "clairement j'aiderai la personne qui sera choisie, ce qui ne m'empêchera pas de travailler sur d'autres dossiers".

Pressenti pour entrer au gouvernement dès 2017, Cédric Villani dit n'avoir aucun regret, en prenant soin de ne pas insulter l'avenir : "Si j'avais été ministre sans passer par la case Parlement, il m'aurait manqué des informations, des regards, des contacts, quelque chose de très important dans mon expérience politique".

L'Europe ? S'il n'a pas fait acte de candidature pour les élections du 26 mai prochain, il garde à l'esprit l'idée d'oeuvrer pour consolider une Union en plein doute.

"C'est un sillon que j'ai beaucoup exploré, plus qu'un autre, avec mes activités à EuropaNova et mes années passées au conseil scientifique la Commission européenne", fait valoir celui qui peut parler aussi bien d'Archimède que du mathématicien américain John Nash, dont il fut le disciple, et d'Alan Turing, le père de l'informatique.

"Paris et l'Europe sont des sujets fondamentalement liés et l'Europe a besoin de faire un bien meilleur usage de Paris qu'elle ne le fait actuellement."

Pris par ses nouvelles missions, le professeur Villani, qui est aussi père de famille, a mis entre parenthèses ses activités de recherche et son heure quotidienne de pratique du piano. Car, dit-il, "l'engagement politique est là pour durer".

(Edité par Yves Clarisse)