Pédophilie : Preuves détruites, dit un cardinal au sommet du Vatican

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Pedophilie: preuves detruites, dit un cardinal au sommet du vatican[reuters.com]
(Crédits : Nguyen Huy Kham)

par Philip Pullella

CITE DU VATICAN (Reuters) - Une religieuse a fustigé samedi l'hypocrisie de l'Eglise catholique dans les affaires d'abus sexuels sur mineurs à la veille de la clôture de la conférence inédite sur le sujet qui se tient au Vatican, tandis qu'un cardinal reconnaissait que des dossiers avaient été détruits.

"Nous proclamons les Dix Commandements et nous nous présentons comme les gardiens des normes et des valeurs morales, et du bon comportement dans la société. Hypocrites, parfois ? Oui!", a lancé la sœur Veronica Openibo, une Nigérianne qui a travaillé en Afrique, en Europe et aux États-Unis.

S'exprimant d'une voix douce malgré un message sans concession devant quelque 200 prélats de l'Église réunis depuis jeudi à Rome, elle a dit au pape François, assis à côté d'elle sur l'estrade, qu'elle l'admirait parce qu'il était "assez humble pour changer d'avis" et s'excuser.

Elle faisait allusion à un évêque chilien accusé d'avoir couvert des abus sexuels et qui a dans un premier temps été défendu par le pape avant de devoir démissionner.

"Comment l'administration cléricale a-t-elle pu garder le silence et couvrir ces atrocités?", s'est-elle interrogée, en fustigeant "notre médiocrité, notre hypocrisie et notre complaisance".

"PAS MÊME CRÉÉS"

Le cardinal allemand Reinhard Marx a appelé à plus de "traçabilité et de transparence" dans le traitement de la question, en limitant le secret pontifical dans les cas d'abus traités par le Vatican et en rendant publique les procédures judiciaires.

"Des dossiers qui auraient pu fournir des preuves sur ces actes terribles et nommer les responsables ont été détruits, voire pas même créés. Et ce sont les victimes, au lieu des coupables, qui ont été surveillées et à qui on a imposé le silence", a déclaré l'archevêque de Munich.

"Les droits des victimes ont été effectivement foulés aux pieds et laissés au bon-vouloir d'individus", a déclaré Reinhard Marx.

"On peut résumer ainsi ce qu'ont pensé certaines victimes d'abus : si l'Église prétend agir au nom de Jésus, alors que je suis si maltraité par l'Église ou son administration, alors j'aimerais aussi ne rien avoir à voir avec ce Jésus."

La soeur Veronica Openibo a évoqué le choc ressenti en découvrant le film Spotlight (2015), Oscar du meilleur film, qui raconte comment les dirigeants de l'Église dans la région de Boston ont muté des prêtres coupables de paroisse en paroisse au lieu de les défroquer ou de les remettre aux autorités.

Ceux qui dirigent l'Église, a-t-elle dit, doivent renoncer à leur habitude de cacher les événements.

"Trop souvent, nous voulons garder le silence jusqu'à ce que la tempête soit passée. Cette tempête ne passera pas. Notre crédibilité est en jeu", a-t-elle déclaré.

Les femmes doivent pouvoir participer en plus grand nombre à la lutte contre les abus sexuels au sein de l'Eglise, a-t-elle ajouté.

Le pape doit clôturer la conférence dimanche par un discours très attendu. Il a promis aux victimes "des mesures concrètes et efficaces" pour lutter contre les abus.

(Danielle Rouquié pour le service français)