Chômage : Réforme pour les contrats courts, le niveau d'indemnisation

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(Crédits : Charles Platiau)

PARIS (Reuters) - Une réforme de l'assurance chômage présentée au printemps luttera contre le recours abusif aux contrats courts et corrigera le système permettant aux salariés les mieux payés de percevoir une indemnisation très supérieure à ce qu'elle est ailleurs en Europe, a annoncé mardi Edouard Philippe.

La réforme conservera l'objectif d'économies qui avait été fixé aux partenaires sociaux, soit 3 à 3,9 milliards d'euros sur trois ans, a ajouté le Premier ministre, qui tirait avec la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, les leçons de l'échec de la négociation sur le sujet la semaine dernière.

"Je regrette évidemment très profondément qu'un accord n'ait pu être trouvé. J'ai parfaitement conscience qu'il n'était pas facile d'obtenir cet accord, parce que c'est toujours difficile de remettre à l'endroit un système qui s'est constitué par une sédimentation de règles année après année", a-t-il dit.

La ministre du Travail commencera cette semaine de larges consultations avec les partenaires sociaux et au-delà, a expliqué le chef du gouvernement. Elles seront suivies de la présentation des paramètres et mesures au printemps, puis de l'élaboration d'un décret pour une mise en oeuvre à l'été, a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Matignon.

Le système actuel ne permet pas de lutter efficacement contre le recours abusif aux contrats courts, a souligné le Premier ministre, souhaitant que les entreprises soient beaucoup plus responsabilisées sur cette question.

Prié de dire si le bonus-malus refusé par le patronat serait mis en oeuvre, il a répondu : "personne ne nous a proposé à ce stade une meilleure solution que celle du bonus-malus, donc l'instrument est sur la table".

Cet instrument est techniquement délicat à mettre en oeuvre mais, en l'absence d'alternative crédible, il est probablement le mieux à même de lutter contre les abus dénoncés par Emmanuel Macron, ont souligné des sources au sein de l'exécutif.

BAISSE POSSIBLE DES INDEMNITÉS LES PLUS ÉLEVÉES

Edouard Philippe a ajouté qu'il fallait parallèlement revoir le système permettant aux personnes les mieux payées d'avoir des niveaux d'indemnisation bien plus élevés qu'ailleurs en Europe.

"Nous devons revoir notre système qui permet d'obtenir des niveaux d'indemnisation pour les salaires élevés qui sont trois fois supérieurs à ce qui se passe chez nos voisins", a-t-il dit.

Ce vocabulaire montre que l'exécutif semble privilégier une baisse des niveaux d'indemnisation à un dispositif controversé de dégressivité des indemnités.

La dégressivité n'est pas totalement exclue du champ de possibilités et n'est pas forcément aussi toxique que ne le dénoncent certains économistes, a précisé une source.

Les syndicats avaient rejeté lundi l'idée d'une dose de dégressivité ou de plafonner davantage l'indemnisation.

Les cas, minoritaires, dans lesquels il est plus rémunérateur d'être au chômage que de travailler doivent être corrigés, a encore déclaré Edouard Philippe.

Dans la ligne de mire de l'exécutif, des modifications des règles d'indemnisation ces dernières années, qui ont rendu plus attractive la "permittence" - des allers-retours entre les périodes de travail et de chômage.

"Ce système a pour conséquence de maintenir les chômeurs dans une forme de précarité, il est faussement à leur avantage puisqu'il permet aux entreprises de faire payer par la collectivité cette précarité", a insisté Edouard Philippe.

Il a précisé que la question de la gouvernance de l'Unédic n'était pas dans le champ de la concertation à venir, de même qu'elle ne figurait pas dans la lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux avant leur négociation.

SYNDICATS SUR LA RÉSERVE

"Nous ne posons pas la question de la gouvernance de l'Unédic", a-t-il dit. Cette déclaration signifie que l'exécutif ne prévoit pas de mettre fin à la gestion par les partenaires sociaux de cet organisme qui gère l'assurance chômage.

La CGT a déploré dans un communiqué que le gouvernement ne souhaite pas renoncer aux économies sur les allocations, "alors que la colère sociale gronde".

Elle craint que ces mesures ne détériorent la situation des travailleurs précaires, des intérimaires, des assistantes maternelles - ciblées par la révision des règles sur l'activité conservée - et des cadres.

Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, doute de pouvoir être entendu. "On est dans un jeu de dupes. On ne sait pas aujourd'hui quel est l'agenda du gouvernement", a-t-il dit sur LCI.

Le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, a regretté en matinée que la négociation ait été contrainte par le gouvernement et ait amené "à une situation figée".

"On avait le temps de travailler au fond cette question du bonus-malus", a-t-il dit sur Sud Radio. "Il fallait laisser la négociation se dérouler librement entre les interlocuteurs sociaux."

La CPME, pour qui le bonus-malus serait une "ineptie préjudiciable à l'emploi salarié", en a profité pour annoncer mardi qu'elle présenterait une alternative "pour améliorer le sort des personnes en situation de précarité".

(Jean-Baptiste Vey, avec Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)